2017, année Hip-Hop

  • Par administrateur
  • 2 avril 2017
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Le rap, une musique plébiscitée par les jeunes générations. Sa présence dans la programmation des salles de musiques actuelles, et dans les collections des médiathèques. L’exemple grenoblois.
par Jérôme Lamour, Coordinateur Musique Bibliothèques de Grenoble, article initialement publié sur BMOL (bibliothèques musicales on line)

Malgré des ventes records au regard d’une industrie du disque sur le déclin, le rap reste le mal-aimé des médias généralistes traditionnels. Plébiscité par les 12-25 ans et désormais installé dans les mœurs musicales des trentenaires et des quarantenaires, il peine pourtant encore à convaincre les programmateurs de salles. A Grenoble cependant, certains lieux jouent le jeu depuis plusieurs années… et 2017 s’annonce comme une année faste.

Tout est parti d’une question posée dans le magazine en ligne Noisey / Vice. « Pourquoi les mecs les plus hip-hop que l’on trouve dans les SMAC sont ceux de la Sécu ? ».
C’est une évidence. Le rap est devenu en quelques années la musique la plus écoutée par les jeunes générations. Paradoxalement, le hip-hop reste largement absent des médias généralistes et demeure le parent pauvre des programmations musicales en région, alors qu’en France ce genre musical truste allègrement les hauts de classements des ventes en streaming et des vues de vidéos musicales sur Youtube

A l’heure où PNL réalise 80 millions de vues avec 2 vidéos, où 5 rappeurs français figurent parmi les 10 clips les plus regardés dans l’hexagone en 2016, et qu’il n’est pas sûr que vous connaissiez leurs noms (PNL, Jul, Ridsa, Alonzo), il faut se rendre à l’évidence. Vos enfants, vos neveux, vos nièces vous rétorqueront qu’eux les connaissent parfaitement, et qu’ils aimeraient bien les voir en live, tout comme vous pouvez profiter à loisir des tournées Zénith de Christophe Maé et Fréro Delavega.

Georgio – Clip « Héra »

Selon une enquète menée en 2014 en Pays de la Loire auprès de plus de 2000 jeunes de 12 à 19 ans, et portant sur leur rapport à la musique, le rap arrive largement en tête des styles musicaux plébiscités (47% déclarent apprécier le hip-hop), mettant un gros taquet au rock (environ 30%). Le hip-hop est passé en quelques années d’une musique très connotée à une musique largement dominante : en 2008 la même enquête interrogeait les jeunes sur le style musical qu’ils détestaient. 33% citaient le rap, ils ne sont plus que 10% en 2014…

L’Entourloop feat. The Architect & Skarra Mucci – Clip « Dreader Than Dread »

Si le rap français est maintenant ancré dans les mœurs musicales, c’est grâce à la très grande diversité des sous-genres qui le composent, et qui permettent à chacun de trouver sa crémerie hors du champ traditionnel purement hip-hop : électro-dance de Black M, variété pop de Soprano ou Maitre Gims, lyrics hardcore de Damso ou Sofiane, slam de Grand Corps Malade, planant de PNL ou SCH, expérimental abstract de Death Grips, chanson-musette de M.A.P., afrotrap de MHD, versant eurotrap de Vald, rock de Svinkels, reggae de Blacko ou L’Entourloop, variations jazz d’Oxmo Puccino ou électro de DJ Krush ou DJ Vadim, etc etc…

Vald – Clip « Kid Cudi »

L’article en question avançait 2 explications majeures au phénomène de sous-représentation du rap dans la programmation des SMAC : la peur de devoir sur-sécuriser les salles et de les transformer en Fort Alamo (sic), et la méconnaissance de la scène rap par des programmateurs, généralement des quadras blancs issus du rock alternatif. Outre le fait que le rap fait peur, les raisons d’un manque de programmation hip-hop sont également à chercher du côté de la méconnaissance ou du déni de ce genre musical chez les responsables de  programmation, hormis pour certains artistes qui ont développé un univers et une musicalité adaptés aux codes en place dans la profession, par exemple Hocus Pocus, Oxmo Puccino, voire Orelsan.

Si les artistes rap ne sont pas exempts de tout reproche quant au phénomène, ils ont su développer d’autres business-model autrement rémunérateurs et plus souples niveau logistique. Apparitions en boites de nuit -voir plusieurs dans une même soirée-, dans les bars à chicha ou les magasins de vêtements rapportent plus en espèces sonnantes et en notoriété, notamment grâce à leurs énormes fanbases, connectées et mobilisables instantanément via les réseaux sociaux.

Charles X – Clip « Soul power »

Si dans l’agglo, nous ne sommes pas trop mal lotis pour écouter du hip-hop en live, c’est grâce au travail de fond réalisé depuis plusieurs années par deux salles de concert, à qui il convient de décerner ici le titre honorifique de « rap defender » : La Bifurk et L’AmpéRage. Des années de labeur, soirées après soirées, festivals après festivals, saison après saison, pour faire découvrir les multiples facettes d’un genre à qui colle trop souvent aux baskets une réputation sulfureuse.


Sofiane feat. Bakyl – Clip « Ma cité a craqué »

Mais l’on reprend espoir, de l’optimisme et par la même occasion des couleurs, à la vue de ce qui se prépare pour l’année 2017 à Grenoble. Tour d’horizon…

Ont été programmés ces dernières semaines à La Bobine des sets DJ d’Oddateee et de Ghostown et un live de DLC + SKro International.

Mais c’est le mois de mars qui va frapper très fort en matière de culture hip-hop !

Gaël Faye – Clip « Petit pays »

A L’Ampérage d’abord avec la soirée Base Art’ le 01/03 puis Jahneration (reggae-hip hop) le 12/03. A La Bobine ensuite à partir du 06/03 pour « La voix est libre », une semaine entière consacrée au slam. La Belle Electrique verra se produire à 2 jours d’intervalle Georgio (le 10/03 mais déjà complet) et Vald le 12/03, Gael Faye sera à EVE le 22/03 tandis que le même jour L’Ampérage propose le tremplin rap « Checke le mic ». Ce sera ensuite au tour de Charles X + L’Apprenti (concert labellisé Bmol !) de jouer le 24/03 à La Belle Electrique, puis de Chinese Man et Scratch Bandits Crew (complet également) le 30/03 toujours au même endroit.

Guts feat. Patrice – Clip « Want it back »

Au mois de mai ce sera le retour attendu du festival Magic Bus qui consacre sa soirée du 20 mai au genre : Guts Live Band, Gérard Baste (ex membre de Svinkels), l’Entourloop et L’Apprenti. Sans compter que 2 jours auparavant, la soirée scène locale à L’Ampérage

Photo : Jessica Calvo / L’Apprenti – Clip « Habitudes »

accueillera DLC, repéré grâce à la compil’ Cuvée Grenobloise (dont on vous parlait ici il y a quelques jours) et qui fait la part belle cette année au rap et à l’électro hip-hop.

Juin verra se produire à La Belle Electrique Sofiane, et les marseillais de Numbers, ex Gaaza : Maouss (numéro 22), N.I.C. (numéro 11) et Fdolla (numéro 8). Le Summum ne sera pas en reste, programmant 2 fois cette année Soprano (8 avril et 28 septembre), et IAM le 12 novembre pour un concert spécial L’école du micro d’argent.

A l’automne, on attend confirmation à la Bifurk de la venue de certains membres du collectif L’Engrenage qui pourraient être Illspokin & Zajazza. On nous a aussi soufflé que d’autres dates grenobloises devraient être signées prochainement pour l’automne et l’hiver, mais rien de sûr pour l’instant, patience…

Bien bien tout ce qui se prépare ! De belles dates en perspective pour l’année 2017, les kids vont être contents, et nous on se félicite qu’à Grenoble, le hip-hop trouve une place amplement méritée.

Vous remarquerez que tous les artistes cités dans l’article et dont les noms sont associés à un lien hypertexte, renvoient vers des documents de notre catalogue qui sont empruntables dans dans le réseau des bibliothèques municipales de Grenoble. Tout ça !!! « Je suis chauve » comme on dit ici…

PNL & Lacrim

Djadja & Dinaz

A propos de pilosité, je suis sûr que personne n’aurait parié il y a 3 ans sur l’arrivée massive des cheveux longs et du défrisage dans le rap (vous l’aviez remarqué, non?). Qui mettra une pièce avec moi sur la pérennité des programmations rap dans les salles de la région ?

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Quelques références bibliographiques :
Mehdi Maizi, Rap français : Une exploration en 100 albums, Le mot et le reste, 2016
Karim Hamou, Une histoire du rap en France, La découverte, 2014
Vincent Piolet, Regarde ta jeunesse dans les yeux : Naissance du hip-hop français 1980-1990, Le mot et le reste, 2015