Au départ d’un goût pour la musique il y a toujours une première écoute qui vous accroche, vous permet d’avoir prise sur les aspérités d’un répertoire.
En ce qui me concerne il y a eu en particulier trois moments d’écoute inauguraux, qui ont probablement marqués ceux qui ont pu suivre.
Le premier se situe à deux doigts (ou quatre mains) du quatuor à cordes, puisqu’il s’agit du sextuor à cordes « La nuit transfigurée ». Cette magnifique pièce du jeune Schoenberg, déborde le quatuor à cordes, mais en contient néanmoins, et sans doute de façon exacerbée, toutes les qualités expressives, mélancoliques, apaisantes ou tourmentées. Une façon pour Schoenberg de ramener le poème symphonique (voire les préludes de Wagner) dans l’univers de la musique de chambre. C’est sans doute à travers cette première écoute, ce premier glissement hors des oeuvres orchestrales, dans le prolongement de l’écoute du prélude de Tristan et Isolde, que j’ai commencé à guetter les parties méditatives réservées aux mouvements lents dans les quatuors à cordes.
Cette expérience aurait pu rester unique ou limitée, s’il n’y avait eu un deuxième choc, quelques années plus tard, en découvrant la « Grande fugue » de Beethoven par inadvertance, en écoutant la radio en « bruit de fond » alors que je menais une conversation amicale, au bout d’un moment mon attention est complètement captée par le programme radiophonique de France musique, c’est ainsi que la « Grande fugue » a fait irruption dans ma cuisine. Ecoute sidérée, intriguée face à la singularité du dernier Beethoven.
Vient ensuite la découverte du huitième quatuor de Chostakovitch, que je dois à un ami proche suite à une conversation autour de la « Grande fugue ». Découverte d’une oeuvre parcourue par un fort sentiment d’angoisse, oraison funèbre pleine de lucidité et de dérision.
Les années qui ont suivi, m’ont permis en quelque sorte de remplir les vides qui existaient entre ces différents moments d’écoute. Sorte d’aspiration qui m’a invité à remonter le temps, et à commencer non pas à combler des lacunes, mais à voyager dans ce vaste répertoire, à l’affût de résonances intimes.
L’itinéraire qui est proposé ici n’est d’ailleurs pas clos, il est simplement mis à jour à la date du 18 février 2008.
Il y a certainement, en filigrane, dans les quatuors que je vous invite à découvrir une constante émotionnelle qui m’est propre. Non pas dans l’oeuvre, qui elle appartient à tout le monde, mais dans les recoins singuliers où mon oreille est allée se nicher. Une forme d’émotion musicale, plus proche parfois de l’odorat que de l’ouïe. Le caractère à la fois intime, âcre et lucide, d’un petit matin après une nuit blanche. Façon de réunir l’absence d’illusion, liée à l’absence de sommeil, à une joie âpre et enivrante. Toute l’ironie et la complicité de l’existence qui nous serait donnée à lire, entendre et sentir par-delà les mots.
Par ailleurs chaque arrêt signalé autour de l’oeuvre d’un compositeur peut être vu comme une bifurcation, direction que vous serez libre d’emprunter ou non, afin de marquer de vos propres écoutes l’oeuvre de tel ou tel compositeur.
Comme le Petit Poucet qui reprend son chemin à l’envers, je vous propose donc d’écouter le répertoire émietté des quatuors à cordes qui ont forgé mon goût pour cette musique si singulière.
L’ordre d’écoute est chronologique, cela simplifie la présentation et la succession des oeuvres et des styles. Mais rien n’empêche de renverser cet ordre, ou de vous y livrer de façon aléatoire. Car c’est bien de cette manière que j’ai fini par découvrir ce genre musical, non pas de façon méthodique, mais en sautant d’un siècle à l’autre, d’une oeuvre de jeunesse à une oeuvre de maturité. Partant des oeuvres les plus tardives, les plus modernes du répertoire, portant la forme musicale à ses dernières limites, pour arriver progressivement à ce qui sous les doigts de Haydn a fait l’essence du quatuor à cordes.
D’autre part ces écoutes ont été documentées au fur et à mesure, je propose donc ici également des textes introductifs, des citations, facilitant la compréhension du genre musical ou d’une oeuvre en particulier.
Arsène Ott – Président de l’ACIM
Entre avant-goût et port d’attache : une approche du quatuor à cordes
Les interprétations signalées ici sont le plus souvent des interprétations de référence, même si dans ce domaine la discussion reste infinie. Par contre ce sont les versions par lesquelles j’ai souvent été introduit à l’oeuvre, et elles gardent de ce fait pour moi une sorte de primauté. Ce qui fait que même si j’adopte par la suite d’autres interprétations, elles seront toujours (ou longtemps) pour moi de référence car marquée par la mémoire de cette première écoute, celle de la découverte de l’oeuvre. C’est pourquoi je ne cherche pas à proposer ici de discographie comparative, même si par certains côtés ce travail d’écoute et d’analyse autour du quatuor à cordes peut constituer une discographie de base.
Je m’appuie fréquemment sur les commentaires que j’ai trouvés, pour l’essentiel, dans les ouvrages de Bernard Fournier. Je tiens à souligner ici l’extraordinaire travail d’analyse historique et musicologique fait par cet auteur, une somme qui n’a sans doute pas d’équivalent à ce jour. Rappelons aussi le travail mené sous la direction de François-René de Tranchefort qui reste toujours d’une grande actualité et aussi d’une facilité de consultation remarquable.
Note de lecture / d’écoute :
La première partie (A) vous propose une écoute chronologique des extraits que j’ai sélectionnés.
La deuxième partie (B) est une brève introduction vers l’esthétique du quatuor à cordes.
La troisième partie (C) est elle consacrée à l’interprétation (discographies, sources disponibles en ligne, vidéos…).
Principales sources documentaires sollicitées pour les commentaires et citations liés à l’histoire ou à l’esthétique du quatuor à cordes.
Le guide de la musique de chambre / sous la direction de François-René Tranchefort. – Fayard, 1989. – (Les indispensables de la musique)
Dictionnaire encyclopédique de la musique de chambre / Walter Willson Cobbett. – Robert Laffont, 1999. – (Bouquins)
Histoire du quatuor à cordes (en deux volumes) / Bernard Fournier. – Fayard, 2000 et 2004
Esthétique du quatuor à cordes / Bernard Fournier. – Fayard, 2000
Absents / oubliés ?
Un certain nombre de compositeurs n’apparaîtront pas dans cette liste d’écoute soit parce qu’ils m’ont tout simplement échappé à mon attention, soit parce que mon oreille n’a pas (encore ?) trouvé prise à l’écoute de leurs oeuvres. Parmi ces derniers je compte Boccherini, Brahms, Busoni, Cage, Dvorak, Fauré, Franck, Ives, Magnard, Martinu, Milhaud, Mendelssohn, Sibelius, Tchaïkovski, Villa-Lobos, Xenakis…
Cela vous fera peut-être sursauter, mais comme je l’ai signalé ci-dessus mon écoute du quatuor à cordes reste marquée par des climats musicaux (sur le plan harmonique, rythmique, mélodique ou sur celui de la gestion des timbres, des textures instrumentales…), ce n’est que lorsque je trouve dans l’oeuvre, ces correspondances, que je choisis de les retenir.
Encore une fois ce n’est sans doute pas un hasard si Beethoven, Schoenberg ou Chostakovitch ont été les compositeurs qui m’ont ouvert la porte de ce genre musical.
A) De la musique de salon à l’écriture au sein du laboratoire musical qu’est le genre du quatuor ; de l’individualisme optimiste des Lumières (Haydn) à l’angoisse du sujet multiple et brisé (Bartok, Chostakovitch).
« A travers l’histoire du quatuor, c’est donc une histoire de la musique qui s’exprime et une histoire de la pensée telle que la musique (…) est susceptible de la façonner, de la porter et d’en traduire le déploiement dans les zones irrationnelles qui sont les siennes. » (Bernard Fournier)
1)1760-1870 Le quatuor viennois / convergence
a)Age d’or
Le quatuor était tout d’abord composé à l’intention des musiciens amateurs qui les jouaient dans les salons.
Au 18è siècle d’autres modèles existaient (formes éclectiques, moins émancipées de la danse, privilégiant la virtuosité instrumentale d’un soliste ou l’écriture concertante ; forme sonate embryonnaire, peu ou pas de travail thématique, prééminence de la mélodie accompagnée, signe de l’influence de l’opéra…), mais les quatuors de Haydn se distinguaient par leur manière « souveraine » de maîtriser la forme sonate, par son art du développement et par sa construction : « l’habilité avec laquelle il concevait la conduite des quatre parties instrumentales, élaborant ainsi un style quatuor… » (Bernard Fournier).
Genre emblématique du classicisme.
Modèle que Haydn a progressivement forgé avec les outils de la forme sonate.
Concordance du quatuor viennois avec les idéaux des lumières.
Mozart compose une musique dualiste et secrètement angoissée (dix derniers quatuors composés de 1782 à 1790). Le quatuor classique atteint avec lui son point d’équilibre le plus pur.
Haydn compose quant à lui une musique gravement sereine (les soixante huit quatuors composés de 1760 à 1799). On assiste ici au plein accomplissement du quatuor classique (avec les cantates de Bach, les concertos pour piano de Mozart, un des monuments musicaux du siècle). L’Opus 76 (1796 à 1797) est une réponse post mortem aux Six quatuors que Mozart lui avait dédié en 1785.
Haydn et Mozart furent les seuls au départ à tirer parti des ressources spécifiques du genre : « possibilité de mettre en scène le discours musical dans la coopération équilibrée des quatre instruments, ce qui ne signifie pas qu’ils soient équivalents, encore moins interchangeables, mais qu’ils requièrent une distribution personnalisée des rôles, caractérisée par une qualité particulière des textures et un nouveau type de contrepoint. » (Bernard Fournier)
Le quatuor viennois se caractérise par une « écriture instrumentale abstraite, émancipée de toute contingence qui lui soit extérieure (la virtuosité, le divertissement, l’inspiration de l’opéra), celui d’un type de complexité qui dotera le compositeur d’une palette aux nuances aussi subtiles que diverses pour l’expression de sa pensée musicale et de moyens d’introspection pour descendre profondément dans ses « arrières-mondes » , ces couches de l’âme où le logos est impuissant. » (Bernard Fournier)
Programme d’écoute :
Joseph Haydn (Robrau (Basse Autriche) 31 mars 1732 – Vienne 31 mai 1809)
« Haydn occupe un échelon bien plus haut dans l’échelle de la domesticité musicale. » (Brigitte Massin)
Avec Haydn « le quatuor cessait définitivement d’être un orchestre réduit pour devenir un tout se suffisant à lui-même, dans une perfection spécifique ; les derniers liens du genre avec la musique de grand concert ou d’ensemble mondain étaient coupés ; le premier violon abdiquait ses dernières prétentions à l’hégémonie du soliste galant, et les quatre instruments soutenaient un dialogue qui était déjà celui des quatuors des musiciens suivants. Les formes propres du genre venaient d’achever leur mise au point. » (Brigitte Massin)
Opus 76 (1796-1797). Dédiés au compte Erdödy.
Avec ces quatuors Haydn renoue avec une tradition intimiste.
Quatuor à cordes en Ré mineur. Op. 76 n° 2. « Les Quintes ».
(1. Allegro – 2. Andante o più tosto allegretto – 3. Menuet. Allegro ma non troppo. Trio – 4. Finale. Vivace assai)
Le retrait vers le mode mineur est une manière de convoquer l’esprit de gravité dans une œuvre.
1. Allegro
Les « quintes » tire son surnom des 2 quintes descendantes entendues au début du 1er mouvement.
Structure monothématique, mais ce matériau principal est entouré d’un cortège de motifs secondaires.
Brusques plongées vers d’autres tonalités mineures. Prétextes à des épisodes « motoriques » assez virtuoses du premier violon. Ces épisodes conduisent toujours à un regroupement des voix avec une section purement homophone.
3. Menuet
Menuet des sorcières : caractère sardonique du mouvement.
Canon à 2 voix, avec 2 instruments se doublant à l’octave par voix.
Le trio est homophone, mais toujours inquiétant avec ses changements de modes et son rythme martelé.
Quatuor à cordes en Si bémol majeur. Op. 76 n° 4. « Levé de soleil ».
(1. Allegro con spirito – 2. Adagio – 3. Menuet. Allegro. Trio – 4. Finale. Allegro, ma non troppo)
1. Allegro
Le discours s’organise autour du principe de la mélodie accompagnée : un accord parfait de 4 mesures.
Suit un crescendo dramatique, le second thème est un renversement du début par le violoncelle :
« Le violoncelle reprend selon une courbe descendante le thème qui avait été énoncé au départ de manière ascendante par le premier violon. » (Bernard Fournier). Violon / levé de soleil, violoncelle / couché de soleil.
2. Adagio
Tonalité mi bémol majeur.
Sorte d’improvisation en trois parties sur un motif mélodique varié de cinq notes.
« Travail thématique qui fait découler de longues phrases d’un petit noyau initial de cinq notes, avec à deux reprises une suspension (point d’orgue), qui traduisent à la fois un geste interrogatif et une sorte d’hésitation sur le devenir du discours. » (Bernard Fournier)
Annonce les derniers quatuors de Beethoven.
Interprétation :
Quatuor Prazak qui interprète l’intégralité de l’op. 76, édité chez Praga en 2002 (réf. PRD 350 000)
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=47361
Wolfgang Amadeus Mozart (27 janvier 1756 à Salzbourg – 5 décembre 1791 à Vienne)
Cycle des 6 quatuors dédiés à Haydn
« Haydn n’a jamais eu et n’aura jamais la même profondeur ni la même ardeur dans son idéal esthétique et dans son exigence d’expression musicale. » (Brigitte Massin) (cf. concession au public avec le roulement de timbales dans sa Symphonie « Surprise », afin de « réveiller les dames »).
Mais à travers les quatuors de Haydn (« du soleil », « russes ») Mozart sait qu’il est possible d’atteindre un public suffisant à travers ce genre musical. Grâce à Haydn il trouve dans ce genre un mode d’expression capable de rivaliser avec les grands anciens (Bach). Différence entre l’évolution des instruments sur un plan égalitaire (comme dans la polyphonie, le contrepoint), et à la différence de l’expression galante basée sur un style concertant.
« Quatuors de signification maçonnique ? non pas exactement, mais expérience esthétique qui ne saurait s’interpréter indépendamment de cette manière de « conversion » spirituelle par laquelle il espère naître à une vie nouvelle. » (Brigitte Massin)
Avec ce cycle le genre du quatuor « décolle », il porte en lui la promesse des quatuors du XIXè siècle.
Quatuor à cordes n° 15 en ré mineur, K. 421
Second des 6 quatuors dédiés à Haydn.
Vienne jusqu’au 17 juin 1783
(1.Allegro moderato – 2. Andante en Fa – 3. Menuet allegretto, et trio en Ré – 4. Allegro ma non troppo)
Le quatuor a probablement été « écrit » du 16 au 17 juin, nuit de l’accouchement du premier fils de Mozart (selon Constance). L’œuvre ne doit pas pour autant être marquée par la circonstance, dans la mesure où le projet été déjà mûr dans la tête de Mozart bien avant : différence entre écrire (coucher sur le papier) et composer.
« C’est de toute sa vie passée, sinon présente, qu’afflue ici le tragique de Mozart, comme si l’exploration de lui même, entreprise dans le précédent quatuor en Sol, avait fait surgir un pathétique plus intime en une conscience plus claire. » (Brigitte Massin)
Ce thème de l’allegretto parle déjà avec la voix du Commandeur, il en a la noblesse et la grandeur tragique.
« L’allegro moderato initial offre une progression presque constante de la lucidité dans le drame. Un second thème en Fa essaie d’abord d’équilibrer la violence pathétique du premier sujet, puis il est rejeté par un expressif crescendo. Le premier sujet passe de Ré mineur à Mi bémol dans la durchführung, mais sans parvenir à s’éclairer vraiment ; le second thème qui revient alors, reçoit une élaboration nouvelle sur un rythme d’accompagnement plus fiévreux ; et dans la reprise de la première partie, les deux thèmes sont en Ré mineur, aussi poignants l’un que l’autre. » (Brigitte Massin)
Quatuor à cordes n° 16 en Mi bémol majeur. K. 428
3ème des six quatuors dédiés à Haydn.
Vienne entre juillet 1783 et janvier 1784.
(1. Allegro non troppo – 2. Andante con moto en La bémol – 3. Menuet : allegro et trio en si bémol 6 4. Allegro vivace)
Premier thème méditatif, mystérieux comme un avertissement, bien que nous sommes en Mi bémol majeur.
Deuxième thème plein de décision allègre.
Durchführung fondée sur le premier thème, avec un rythme plus violent.
Quatuor à cordes n° 19 en Ut majeur. K. 465 « Des dissonances »
Dernier des 6 quatuors dédiés à Haydn
Vienne 14 janvier 1785
(1.Adagio / Allegro – 2. Andante cantabile en Fa – 3. Menuet, et trio en ut – 4. Allegro)
Une façon pour Mozart de prendre la mesure du chemin parcouru.
La tonalité d’Ut majeur indique chez Mozart limpidité du regard, conquise au terme d’un long effort.
« Ce préambule méditatif baigne dans une atmosphère quasi atonale, lourde d’angoisse et de trouble, qui s’éclaircit sans s’illuminer pour terminer sur une longue descente mélancolique : retour vers le chaos ténébreux du passé. (…) Le début de l’allegro proprement dit, avec sa limpide franchise d’ut majeur, semblerait puéril s’il n’émergeait comme un rayon de soleil de ces nuages si sombres. » (Brigitte Massin)
Quatuors (3) destinés au Roi de Prusse
Quatuor à cordes n° 21 en Ré majeur. K. 575
Vienne juin 1789
(1. Allegro – 2. Andante en La – 3. Allegretto : menuet, et trio en sol – 4. Allegretto)
Mozart plonge dans des ébauches vielles de 17 ans, pour y puiser son matériau. Façon de se prouver qu’il n’a pas trahi ses ambitions.
Le menuet (bcp + long que l’andante et plus musclé que tout le début) est teinté de fierté.
« La tendresse du trio reçoit une gravité mâle de la prédominance du violoncelle. » (Brigitte Massin)
« Comme malgré lui, face au roi de Prusse, Wolgang se proclame roi de son art. » (Brigitte Massin)
Quatuor à cordes n° 23 en Fa majeur. K. 590.
Derniers des quatuors au roi de Prusse.
Vienne mai 1790.
(1. Allegro moderato – 2. Andante en Ut – 3. Allegretto : menuet et trio – 4. Allegro)
Passage à vide, crise grave de la création de Mozart sur cette année 1790.
« C’est l’homme qui est atteint en Mozart, assez profondément pour que composer lui devienne impossible. Et atteint par quoi ? sinon par les conditions toujours plus misérables de sa vie. » (Brigitte Massin)
« L’andante est tout entier commandé par la continuité d’un rythme impérieux à travers lequel s’expriment tour à tour l’ardeur et la nostalgie. » (Brigitte Massin)
Interprétation :
Amadeus Quartet édité chez Deutsche Grammophon (P 1977), (réf. 423300-2)
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=8429&name_role1=1&name_id2=62769&name_role2=4&bcorder=41&comp_id=14090
b)Apogée
Ludwig Van Beethoven (Bonn 16 ou 17 décembre 1770 / Vienne 26 mars 1827)
Importance des déterminations psychologiques, physiologiques et socioculturelles : positives (situation historique) ou non (surdité).
Contexte historique
Vienne à l’époque du réformiste Joseph II, la Révolution française, Bonaparte (tour à tour libérateur et tyran) cela forge en Beethoven l’image du « grand individu » ou artiste.
Après Haydn et Mozart , le style classique est à son apogée.
Trinité du classicisme musical :
Haydn « Le père » (fondateur de la symphonie et du quatuor, on le surnommait d’ailleurs « papa Haydn) ; Mozart « l’esprit » (qui plane sur la frontière entre équilibre et déséquilibre) ;
Beethoven « Le fils » (irrespectueux, bouscule les règles, expérimente de nouveaux équilibre…).
Composer après Haydn et Mozart relève donc du défi. Beethoven se hisse d’emblée au niveau de ses deux prédécesseurs avec ses Six quatuors Op. 18 .
Contexte psychologique et personnel
Beethoven tombe systématiquement amoureux de femmes qui lui sont inaccessibles. Beethoven note sur une esquisse du finale de l’Opus 59 n° 3 « Ne garde plus le secret de ta surdité, même dans ton art », cette phrase « attire l’attention sur la corrélation entre cette pathologie et la musique comme expression et sublimation ou dépassement de cette pathologie. » (Bernard Fournier).
Le compositeur s’isole progressivement du monde extérieur = repli sur soi = exploration de l’intériorité.
Contexte philosophique
Nouveau statut de l’œuvre comme expression pleine et entière de l’humain : postulat de Kant qui pose la séparation ou de l’autonomie de la sensibilité par rapport à la raison. Alors que jusque là la création était soumise aux canons de beauté comme idéal de perfection, à partir de là on assiste à l’irruption de l’homme comme sujet et enjeu de l’expression musicale.
En simplifiant on pourait dire que pour Haydn l’œuvre était sensée rendre grâce à Dieu qui la lui inspirait. A partir de Beethoven le compositeur découvreur se fait inventeur. Le contexte de la Révolution française contribue au fait que le beau, les règles peuvent être dépassées, transgressées, afin d’atteindre à l’authenticité expressive. Cette expression de la subjectivité personnelle, s’offre à autrui comme une « subjectivité universalisante », mais si au XIXème siècle l’expression subjective prendra le dessus, sur sa vocation universelle.
Personnalisation de l’œuvre
Au lieu d’écrire des séries de 100 symphonies ou quatuors…, à partir de Beethoven on assiste à une individualisation de l’œuvre. Il ne s’agit plus de célébrer Dieu, mais de répondre à une nécessité intérieure.
Beethoven envisage l’œuvre « comme une architecture unifiée dans l’espace et dans le temps. » (Bernard Fournier)
Formes musicales :
Beethoven n’est pas un inventeur de formes nouvelles, la forme sonate, la variation, la fugue existaient déjà avant lui, mais à la différence de Mozart qui se coulait dans ces moules, il s’est amusé à les pousser à l’extrême, à jouer avec leurs limites, à les élargir.
Pour développer sa capacité novatrice, il avait besoin de se heurter à des contraintes. Il peut ainsi incarner à la fois la forme et son débordement, la digue et la crue…
Son esthétique du quatuor à cordes :
« Avec Beethoven (…) le quatuor devient un lieu privilégié de « réflexion », de mise en question et d’intériorisation et il est aussi le théâtre des innovation formelles les plus radicales qu’il connaîtra pendant tout le 19è siècle. » (Bernard Fournier)
Avec Haydn, Mozart le quatuor avait la forme d’une conversation à quatre voix. Avec Beethoven il prend une dimension dialogique, travail de coopération, transformations dynamiques du matériau, interaction entre voix, motifs…
On trouve dans son œuvre une interrogation sur l’être (cf. début du finale de l’opus 135 avec le célèbre « Muss es sein ? »).
« Plutôt que conversation entre amis ou expression aimable, policée de sentiments qui peuvent se révéler tragiques, il devient le dialogue intime des « quatre voix d’une même âme » (Romain Rolland), allant jusqu’à prendre la dimension d’une véritable aventure spirituelle et initiatique. » (Bernard Fournier).
Modification de l’architecture d’ensemble :
éclatement de la forme en 3 ou 4 mouvements, chez Beethoven on peut avoir 5, 6 ou 7 mouvements (Op. 131 célébré par Kundera). La durée de l’œuvre pouvant être deux fois plus importante ;
dialectique des tempos opposés (choix d’un 1er mouvement lent), ce qui amène un déplacement du centre de gravité des mouvements ;
remise en question du rôle du tempo (on peut avoir plusieurs tempos dans un même mouvement, avec changements brusques de tempo, accélérations ou ralentissements progressifs) ;
changement d’armature, de métriques, de tonalités inusités ;
remise en question de la fonction de réexposition dans la forme sonate, place primordiale donnée à la coda par ailleurs… etc.
La variation elle aussi change de nature en passant de la variation ornementale (cf. Mozart) à la variation amplificatrice et / ou variation métamorphose, à la variation « chimique ».
Tonalité : sans quitter les rives de la tonalité (encore que l’exemple de la Grande fugue s’en écarte), Beethoven évite de plus en plus les rapports tonique/dominante et d’autres progressions habituelles. Importance accordée aux accords de septième et de neuvième, progressions de tierce, les enharmonies, recours à la modalité, apparition d’accords augmentés, développement du chromatisme, utilisation de dissonances abruptes (Grande fugue).
Répartition des voix :
A la fois interactivité entre les voix et organisation mettant en jeu des blocs hétérogènes.
Redéfinition du thème :
Objet de transformations.
Tout-thématique
Indifférenciation du motif et du fond, jusqu’à l’a-thématisme.
Répartition des quatuors :
6 quatuors de l ‘Opus 18 (1798-1800)
3 quatuors de l’Opus 59 « Quatuors Razoumovski » (1806-1807)
Quatuors Opus 74 (1809) et Opus 95 (1810)
5 derniers quatuors (Opus 127, 130, 131, 132, 135 et la Grande fugue Opus 133 de 1823 à 1826).
Pour que les acquis beethovéniens donnent suite à de nouvelles expériences il faudra attendre le XX ème siècle et une révolution du langage musical avec l’Ecole de Vienne, Bartok, Chostakovitch et Carter.
Programme d’écoute :
Les quatuors (3) Razoumovski (mai 1806 à janvier 1807)
Beethoven est en pleine crise (cf. Testament d’Heiligenstadt qui correspond à un acte de foi en la vie et l’art, ainsi qu’un acte de justification). Dégradation de son ouïe dès 1796, le testament rompt le silence, façon pour lui de prendre le destin à la gorge.
Dans l’Opus 18 se joue le drame de la surdité, dans l’Opus 59 c’est le théâtre de la libération.
Unité organique entre les trois quatuors, style « Razoumovski ». Chaque oeuvre est personnalisée, tout en gardant une unité d’ensemble (relations tonales entre les différentes oeuvres).
Quatuor à cordes n° 7 en Fa majeur, Op. 59 n° 1
(1. Allegro – 2. Molto adagio – 3. Adagio molto e mesto – 4. Finale. Presto)
Le quatuor introduit un « lyrisme solaire » (Bernard Fournier), il s’inscrit comme un modèle dans l’histoire du genre. Chaque mouvement suit le schéma d’une forme sonate.
3. Adagio
Forme sonate au « parfum de variation ».
Forme d’épanchement romantique.
Dans ce mouvement Beethoven « scrute les affects les sombres sans tomber dans le pathos. » (Bernard Fournier).
« La lumière qu’il diffuse peut être, comme dans l’adagio mesto, celle d’un soleil noir. » (Bernard Fournier).
2 thèmes en mode mineur : fa et ut.
Il se termine par une sorte de cadence libre du 1er violon = transition vers le finale / métaphore du voyage, passage sans interruption d’un univers à un autre.
1ère étape de la cadence = dessin legato, regard nostalgique tourné vers l’adagio
2è étape de la cadence = phrasé incisif, tourné vers l’Allegro final.
Quatuor n° 13 en si bémol majeur, Op. 130
(1. Adagio ma non troppo à ¾ – Allegro à 4/4, en si bémol majeur, forme sonate – 2. Presto à 2/2 en sib mineur, forme scherzo – 3. Andante con moto ma non troppo à 4/4 en sol bémol majeur, forme sonate – 4. Alla danza tedesca à ¾ en sol majeur, forme scherzo – 5. Cavatine à ¾ en mi bémol majeur, forme ABA – 6. Finale Allegro à 2/4 en si bémol majeur, forme rondo-sonate)
Opposition de mouvements amples et courts. Peut-être une références aux Bagatelles pour piano qu’il vient juste d’écrire.
Confrontation de deux logiques inverses, celles de la sonate et du divertimento.
L’importance n’est plus donnée au mouvement lent, mais converge vers la Grande fugue.
En écrivant des mouvements lents brefs, Beethoven rééquilibre sa structure vers les mouvements extrêmes (1er et dernier).
Exploration d’un éventail de tonalités dispersées, parfois de façon abrupte : ex. réb / sol.
Jusqu’alors voici les différentes sphères qui étaient traversées par une œuvre en forme sonate :
1.Action – 2. Méditation – 3. Jeu (menuet scherzo) – 4. Fête (finale).
Avec l’Opus 130 Beethoven met en « péril tout ce qu’il a construit jusqu’alors pour assurer à ses quatuors leur cohérence interne et renforcer leur unité esthétique par des dispositions d’écriture de plus en plus exigeantes. » (Bernard Founier).
4. Alla danza tedesca
Mise à jour d’une nouvelle forme de scherzos.
Chaque mouvement du quatuor est construit pour révéler en son centre une séquence inattendue, étrange, qui relève d’une « logique de l’irrationnel ».
Ici lors de la reprise du thème :
« Lorsque revient le thème de la danse dans la 3è partie Beethoven le présente dans une enveloppe de doubles croches écartelées entre deux tessitures ; les notes thématiques s’égrènent alors irrégulièrement non seulement dans le temps (retards ou anticipations par rapport à la forme originelle du thème) , mais aussi dans l’espace (changement de tessiture parfois pour une note) ; déhanché, saccadé, en dépit du legato permanent de l’écriture, le mouvement de cette ligne est comme celui d’un cœur qui bat la chamade : il palpite irrégulièrement à travers les doubles croches de son arabesque. » (Bernard Fournier)
Grande fugue, Opus 133
« Geste de dépassement de l’angoisse de nature presque surhumaine » (Bernard Fournier)
« L’incursion la plus radicale de Beethoven dans l’étrange, son expérience sans doute la plus titanesque, malgré la 9è symphonie et la Missa solemnis et cela peut-être précisément parce que des tels effets sonores et expressifs sont produits par quatre instruments seulement. » (Bernard Fournier)
Introduire une fugue permet de créer un effet de contraste avec les autres mouvements, mais à l’intérieur même des mouvements fugués, Beethoven cherche à créer des contrastes entre des passages fugués et des sections homophones.
Utilisation dans l’écriture fuguée de paramètres jusqu’ici inhibés (l’intensité, les hauteurs / registres, le tempo), ou considérés comme secondaires vis-à-vis des nécessités harmoniques, comme le rythme.
Interprétation :
Parmi les nombreuses intégrales recommandables (Alban Berg, Juilliard…) je ne peux me détacher de celle des Végh rééditée chez Naïve en 2000.
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=29857
Franz Schubert (Vienne 31 janvier 1797, Vienne 19 novembre 1828)
Mort à 31 ans… « un des plus fulgurants génies de l’histoire de la musique ». F-R. de Tranchefort.
Premiers chefs d’œuvres : Margueritte au rouet (1814), le Roi des Aulnes (1815), Cinquième symphonie (1816)…etc.
Vit modestement à Vienne de ses leçons de musique et de la publication de ses œuvres (Lieder en particulier). Il bénéficie, fort heureusement, du soutien (affectif et financier) de ses amis, auxquels il offre de véritables moments de délectation musicale dans le cadre de ses « Schubertiades ».
Atteint de syphilis en 1822.
Nombreuses œuvres posthumes, mais pas tant dans sa musique de chambre, qui fût souvent écrite à l’intention du cercle familial ou d’amis amateurs, et donc au moins interprétée de son vivant.
Ses trois derniers quatuors sont de purs chefs d’œuvres.
Beethoven et Schubert vivaient tous les deux à Vienne, mais Schubert menait une existence trop discrète, et n’osait aborder Beethoven (il l’observait de loin dans un café).
Chez Schubert on ne retrouve pas cette volonté d’affirmer sa personnalité, ou celle de remettre en cause les traditions, de dépasser ou d’égaler ses maîtres (Haydn, Mozart et Beethoven).
Sur la base d’une excellente éducation musicale, il développera son génie sans mener un combat contre le destin, mais en suivant sa nature et ses intuitions.
Malgré le poids des maîtres du passé qui pèse sur ses épaules, et qui bride quelque peu sur ses premières créations, Schubert se frayera son propre chemin, discrètement, dans une optique très personnelle. Ceci particulièrement dans sa musique de chambre.
Esthétique :
Son style pourrait se définir comme une musique « à l’écoute de l’instant », là où Beethoven s’inscrivait plutôt dans la durée de l’œuvre.
Cette écoute de l’instant se comprend en liaison directe avec ses premières créations : les Lieder. Tout se passe comme s’il avait cherché à transposer aux autres genres musicaux (symphonies, sonates, quatuors…) la nouvelle voie esthétique qu’il avait expérimenté avec les Lieder.
Reprise dans certains mouvements des quatuors de thèmes déjà existants dans ses Lieder : Margueritte au rouet dans le 1er mouvement du 13è quatuor D. 804 et bien sûr le quatuor « La jeune fille et la mort ».
Capacité à faire entrer le caractère fugitif du Lied à l’intérieur de la grande forme.
« Ainsi le discours continu et progressif de la sonate cède-t’il ici ou là devant le désir de s’abandonner au plaisir du « moment musical » (…) ; ainsi également, le principe du développement cède-t’il devant celui de la variation… ». (Bernard Fournier)
Quatuor à cordes n° 13 en la mineur, D. 804 « Rosamunde »
(1. Allegro ma non troppo en la mineur à 4/4 forme sonate – 2. Andante en ut majeur à 4/4 forme rondo – 3. Menuetto, Allegretto en la mineur à ¾ forme menuet. 4. Allegro moderato en la mineur à 2/4 forme rondo-sonate)
« Le quatuor en la mineur, quant à lui, introduit pour le genre une autre perspective que l’on définir comme celle de l’intimité, à distinguer de celle de l’intériorité qu’avait ouverte Beethoven et qu’il approfondira à partir de cette année 1824 ; ainsi dans la même ville et en même temps deux génies vont ouvrir des perspectives autour desquelles se constituera pour un siècle l’essentiel de l’avenir expressif du quatuor devenu alors lieu privilégié du dialogue musical des compositeurs avec eux-mêmes, domaine d’élection de leur aventure spirituelle. » (Bernard Fournier)
L’esprit du Lied souffle sur le quatuor.
1. Allegro
Le dessin d’arpèges alternés du violon qui s’enroule sur lui-même ressemble au dessin d’accompagnement de Margueritte au rouet, on y retrouve le même sentiment de tristesse.
Le motif rythmique (blanche pointée et 4 doubles croches à l’alto et au violoncelle) donne lieu au premier thème blanche pointée et noire (1er violon). Cette figure de notes répétées qui traverse tout le mouvement peut être considérée comme un signe du destin, une fatalité et par là , de la mort.
2.Menuetto
Toujours la référence à un Lied préexistant : Les Dieux de la Grèce, avec son interrogation angoissée : « Schöne Welt wie bist du ? » (Bel univers où es-tu ?)
Cette fois ci le destin se fait entendre de manière presque menaçante au violoncelle.
Seul le trio laissera apparaître une fraîcheur d’âme et une sorte de jubilation intérieure.
Interprétation :
Alban Berg Quartett édité chez EMI en 1990
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=65803
Quatuor à cordes n° 15 en sol majeur, D. 887, Opus 161 (1826)
(1. Allegro molto moderato, en sol majeur à ¾, forme sonate – 2. Andante un poco moto en mi mineur à 4/4, forme rondo – 3. Scherzo, Allegro vivace en si mineur à ¾ ; Trio Allegretto en sol majeur à ¾, forme menuet – 4. Allegro assai en sol majeur à 6/8, forme rondo-sonate)
1.Allegro
Mouvement particulièrement long (20′).
Place importante faite au violoncelle, sans nuire à l’équilibre entre les voix (premier thème suivant l’introduction : passage mélodique au violon, repris au violoncelle… etc.).
Introduction : correspond à un combat entre mineur et majeur, ombre et lumière.
Thème principal au violon, trémolos des 3 autres instruments, le violoncelle prend le relais harmonique et rythmique.
Deuxième thème : pianissimo chantant, plus loin pizzicato du violoncelle.
Principe de la répétition variée ou de la variation ornementale (ré-exposition 6’07 »).
Interprétation :
Alban Berg Quartett édité chez EMI en 1997 (réf. 5564712)
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=18770
c) A l’ombre de Beethoven : les compositeurs romantiques
Les compositeurs romantiques ne proposent aucune innovation formelle ou fonctionnelle.
Beethoven a tellement élargi et approfondi les possibilités de cette forme, accru les tensions qu’elle développe, au point de les porter aux limites du système sur lequel elle s’appuie, si bien que ses successeurs immédiats ne pouvaient que se situer en retrait par rapport aux perspectives ouvertes par ses derniers quatuors, tant qu’un langage nouveau, une esthétique nouvelle n’auront pas vu le jour.
Retenons ici, et à défaut d’avoir trouvé prise sur l’oeuvre de chambre de Brahms, les 3 quatuors à cordes de Robert Schuman (op. 41) et le quatuor en ré mineur de Hugo Wolf.
Robert Schumann (Zwickau (Saxe) 8 juin 1810, Endenich (près de Bonn) 29 juillet 1856)
Schumann consacre à la musique de chambre un moment bien déterminé de son existence (l’année 1842). Même si 3 ans plus tôt il avait déjà commencé à y penser : « Le piano est devenu trop limité pour moi » (Lettre à Clara Wieck en 1938). Il confie également à Clara Wieck qu’il travaille à des quatuors à cordes qui « donneront quelque chose si elle lui est fidèle… » Walter Willson Cobbett Avant d’aborder le genre il étudie les quatuors de Mozart et Beethove, puis se lance dans la composition de ses trois quatuors, qu’il achève alors en un peu plus d’un mois.
Quatuor à cordes en la mineur, op. 41 n° 1
(1. Introduzione – Andante expressivo – Allegro 2. Scherzo presto – 3. Adagio – 4. Presto)
L’adagio est porteur de la ferveur romantique de Robert Schumann. Dans la première partie on se laisse emporter par le chant premier violon, qui glisse au violoncelle, jusqu’à un moment de rupture très marqué (silence, modulation rythmique et harmonique), qui se conclut par un jeu de voix entremêlées et rappel subtil du motif initial.
Quatuor à cordes en fa majeur, op. 41 n° 2
(1. Allegro vivace – 2. Andante quasi variazioni – 3. Scherzo : Presto – 4. Finale : Allegro molto vivace)
Le thème courtois de l’allegro vivace déroule une mélodie fluide, qui mêle à la fois passion et éloquence.
Quatuor à cordes en la majeur, op. 1 n° 3
(1. Andante espressivo – Allegro moplto moderato – 2. Assai Agitato – 3. Adagio molto – 4. Finale : Allegro molto vivace)
Impossible de résister à l’évocation de cette autre trait de la double personnalité de Schumann (Florestan ?) à travers le somptueux allegro molto vivace du finale. Expression envoûtante d’une énergie qui se libère au sein d’une spirale musicale.
Interprétation :
Quatuor Ysaÿe éditée chez Aeon en 2003 (réf. AECD 0418)
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=65701&name_role1=4&bcorder=4&name_id=10915&name_role=1
Hugo Wolf (Windischgräz ; actuellement Slovenj-Gradec 13 mars 1860, Vienne 13 mars 1903)
Hugo Wolf poursuit ses études au Conservatoire de Vienne d’où il se fait exclure pour indiscipline en 1877. Sujet à la dépression chronique, il aura beaucoup de difficultés à avoir une activité professionnelle suivie et constante. Il nourrit une véritable passion pour Wagner (cf. adagio de son quatuor). Il meurt isolé dans un asile après un internement de près de cinq ans.
Quatuor à cordes en ré mineur (1878 à 1884)
(1. Grave-Allegro – Leidenschaltlich bewegt. 2. Scherzo – Resolut. 3. Adagio. 4. Finale – Sehr lebhaft)
Le premier mouvement prote une citation de Goethe « Renonce, il le faut ! Renonce. »
L’expérience du quatuor a pour Hugo Wolf force de parcours initiatique. Le dernier mouvement, de par sa désinvolture, s’intègre mal à la logique ténébreuse qui imprègne les trois précédents.
3. Adagio
Les premières mesures sonnent comme un vibrant hommage à Wagner, particulièrement au prélude de Lohengrin dont Hugo Wolf avait pu écouter à Bayreuth en 1875. Autre influence marquante celle de Bruckner. Hugo Wolf partageait d’ailleurs à cette époque une chambre avec le jeune Mahler, qui travaillait alors à une réduction de la troisième symphonie de Bruckner.
Interprétation :
Peu de versions existent de ce quatuor, l’une très belle (Artis Quartett chez Accord) n’est plus disponible, celle-ci est très juste, le quatuor Auryn étant par ailleurs très familier à l’univers expressif d’un Schubert.
Auryn Quartett édité chez CPO en 1999
2) 1870-200 ? : divergence des tendances, puis constellation d’expériences et d’approches individuelles
Autres sources d’inspiration (musiques populaires, quatuor narratif, école de Vienne)
a)Les signes avant-coureurs d’un renouveau du genre : les écoles nationales
2 courants opposés :
Plutôt minoritaires, les œuvres se plaçant dans la tradition viennoise (Wolf, Reger, Sibelius, Franck, Chausson, Magnard).
Les autres cédant à une attirance pour les sources populaires (il ne s’agit pas d’une remise en question de la forme ou du langage du quatuor classique, mais simplement d’un enrichissement du parfum de musiques folkloriques redécouvertes grâce à la montée et l’émancipation des nationalités) ou l’exotisme (Debussy et Ravel avec une écriture modale plus ou moins orientalisante, magie de nouveaux miroitements sonores).
Jusque dans les années 1950 on s’appuie sur la tradition du quatuor viennois, tout en réinterprétant les signes de cette forme dans le langage de son temps.
Programme d’écoute :
Alexandre Borodine (Saint-Pétersbourg 12 novembre 1833, même ville 27 février 1887)
Fils naturel d’un prince caucasien. Auteur du Prince Igor. Musicien (violoncelliste) « amateur », compositeur « à temps partiel », car il est en même temps professeur titulaire à l’académie de médecine. Il ne cherche pas à affirmer un style spécifiquement russe, au contraire dans son premier quatuor à cordes il indique que l’oeuvre est animée (remuée ?) par un thème de Beethoven.
Quatuor à cordes n° 2 en ré majeur
(1.Allegro moderato – 2. Scherzo en fa majeur – 3. Nocturne, Andante en la majeur – 4. Finale)
La partition semble avoir été composée comme un présent du compositeur à son épouse, à l’occasion de leur 20ème anniversaire de mariage.
1. Allegro moderato (2’45 »)
Présentation du thème au violoncelle, repris à la quinte supérieure par le 1er violon.
Motif intermédiaire, puis exposé du second sujet lyrique et passionné, aux parfums orientaux, dans une tonalité de fa #.
3. Nocturne (la majeur) (3’16 ‘’)
Thème principal encore une fois exposé au violoncelle, avant d’être repris et poursuivi avec un autre thème (1’56 ») par le 1er violon. « …cantilène mélodieuse et expressive, très agréable et d’atmosphère lyrique du début à la fin. » Walter Willson Cobbett
Le développement se fait à partir de ces 2 éléments thématiques, qui sont repris sous des éclairages différents en jouant sur des fragments de thèmes entrelacés.
Interprétation :
Quaturo Prazak publié en 2000 chez Praga (réf. 250139)
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=61875&name_role1=4&bcorder=4&name_id=1338&name_role=1
Maurice Ravel (Ciboure [Pyrénées-Atlantiques] 7 mars 1875, Paris 28 décembre 1937)
Passionné de chats et de jouets mécaniques.
Nombreuse œuvres pour le piano (dont 2 concertos), musique pour ballet (Daphnis et Chloé).
En 1920 refuse la légion d’honneur.
Thèmes fréquemment diatoniques ou teintés de couleurs modales (dorien, lydien).
Quatuor à cordes en fa majeur (1903)
(1.Allegro moderato – 2. Assez vif, très rythmé – 3. Très lent – 4. Vif et agité)
2.Assez vif, très rythmé
Ecrit dans l’esprit d’un scherzo, avec un épisode central en trio.
1er thème = atmosphère gaie, emploi du pizzicato, ambiguïté des rythmes binaires et ternaires, profusion de trilles, accents syncopés, harmoniques.
2è thème = lent, expressif, voire mélancolique.
Interprétation :
Quatuor Talich réédité en 2002 et en 2005 chez Calliope.
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=103593
b)Le renouveau du quatuor : entre sérialisme et néo-classicisme
Sur les décombres du chromatisme wagnérien, une révolution radicale se prépare à Vienne : Schoenberg invente une nouvelle langue musicale affranchie du système tonal (Quatuor Op. 10) ; il la structure ensuite avec la série dodécaphonique utilisée pour la première fois dans un quatuor par son élève Berg (Suite lyrique).
La crise de la tonalité est au centre de tous les débats : expressionnisme avec Hindemith, veine narrative avec Janacek ou des tendances néo classiques, polytonalité avec Milhaud, tonalité élargie de Martinu ou encore polymodalité chromatique de Bartok.
Les 9 quatuors de l’école de Vienne et les 6 de Bartok : plus qu’aucun autre, ils expriment cette crise du sujet détourné du monde et replié sur « sa pure vie intérieure » (Kandisky), un sujet en proie à l’angoisse.
Programme d’écoute :
Leos Janacek (Hukvaldy 3 juillet 1854, Ostrava 12 août 1928)
Se singularise tout d’abord par une écriture chorale fondée sur le folklore le plus proche.
Auteur de 9 opéras (Jenufa, Katya Kabanova…).
Réinterprète à sa manière la forme du quatuor à cordes.
Quatuor à cordes n° 2 « Lettres intimes » (1928)
(1. Andante – 2. Adagio – 3. Moderato – 4. Allegro)
« J’ai commencé un quatuor, je l’appellerai « Lettres d’amour ». Je peux enfin écrire de la musique sur elles… »
« Lettres intimes est l’une des partitions pour quatuor à cordes les plus originales du siècle, et forme un véritable journal où les sentiments se mêlent directement à la construction dramatique. Janacek a réussi le tour de force de transformer l’une des formes les plus pures de la musique en une expression directe de la vie, de la passion la plus profonde et la plus exaltée. » F-R. Tranchefort
L’auteur à inventé une nouvelle « conversation en musique ».
La cohérence de l’œuvre tient à cette passion amoureuse, qui s’inscrit dans la forme du quatuor dans un climat de tension, plus qu’elle ne se prête à une analyse mesure par mesure.
Place particulière faite à l’alto (à l’origine le compositeur avait envisagé la viole d’amour).
Le violon continue de diriger l’action, mais l’alto la dramatise comme s’il tenait la place d’un récitant (le compositeur ?).
3. Moderato
Tout d’abord un thème berceur, inspiration russe.
Dolcissimo central (2’39 ») (passage très bref et doux) se trouve brusquement agité le premier violon qui vient danser la sarabande (quintuplets, notes suraigues) : cris de joie ou de détresse ? ? ?
Interprétation :
Quatuor Prazak 1997 réédité en 2002 chez Praga
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=15457
Alexander von Zemlinsly (Vienne 14 octobre 1871, Larchmont (Etat de New York) 15 mars 1942)
Dans son premier quatuor il tente de faire la synthèse de Beethoven, Brahms et Wagner. En 1895 il devient proche d’un violoncelliste amateur (Arnold Schoenberg), auquel il enseigne le contrepoint et dont il deviendra le beau-frère. Dès son deuxième quatuor (op. 15), le rapport de maître à élève semble s’être renversé, même si sur le plan formel Zemlinskyl explore d’autres possibilités comme la suite (thème et variations), et annonce ainsi Alban Berg, tout en se rapprochant plus de Mahler que de Schoenberg. Après la première guerre, alors que la mode est au néo-classicisme, Zemlinsky puise son inspiration auprès de l’école française représentée en autre par Dukas.
Quatuor à cordes n° 1 en la majeur, op. 4 (1896)
(1 Allegro con fuoco, 2 Allegretto, 3 Breit und Kräftig, 4, Vivace con fuoco)
Son premier quatuor est de forme traditionnelle. L’allegretto choisi pour l’écoute offre un caractère intime, onirique. La première partie du mouvement s’appuie sur de légères touches rythmiques, qui se prolongent en des fins de phrases inquiétantes, ceci avant d’aborder un passage rapide indiqué furioso, puis de revenir comme par évanouissement au thème initial.
Quatuor à cordes n° 4, op. 25 (1936)
(1 Präludium (Poco Adagio), 2 Burleske (Vivace), 3 Adagietto , 4 Intermezzo (Allegretto), 5 Thema mit Variationen (Barcarole), 6 Finale-Doppelfuge (Allegretto molto, energico)
Composé en homâge à Alban Berg, son ami disparu en 1935.
Le prélude, fait référence au thème du scherzo du deuxième quatuor, sorte de signature de Zemlinsky. Il « illustre la lutte des personnalités profondes qu’étaient Berg et Zemlinsky dans un environnement devenu étranger – si ce n’est franchement hostile. Ainsi les différents motifs lyrico-rythmiques empruntés, témoins de la continuité de la pensée, n’arrivent que rarement à s’imposer par rapport aux lignes parallèles exprimées sourdement par le contrepoint étouffant des autres instruments. » (Pierre-Emile Barbier)
Le cinquième mouvement (thème et variations) s’ouvre sur une barcarole exposée en solo par le violoncelle. Si l’environnement ne cesse ensuite de changer, le thème continue à être exécuté invariablement.
Interprétation :
Artis Quartet édité chez Nimbus Records en 1998 (réf. NI 5563)
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=21736
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=13388&name_role1=1&name_id2=62955&name_role2=4&bcorder=41&comp_id=68588
Max Reger (Brand, Bavière, 19 mars 1873, Leipzig 11 juin 1916)
Max Reger débute ses études avec l’organiste Adalbert Linder et considérera Bach comme « le commencement et la fin de la musique ». Il est nommé professeur de composition à l’université de Leipzig en 1907, puis il deviendra Kappelmeister de la Cour de Meiningen en 1911, poste occupé précédemment par Richard Strauss, auquel il est lié par une amitié lucide.
Reger se situe à la limite de deux âges de la musique : sensible au romantisme finissant et préfigurant le chromatisme le plus radical. Il apparaît donc comme un héritier de Brahms tout en étant le pionnier de l’atonalisme.
Reger ne pose pas encore la dissolution des grandes formes classiques comme le fera l’école sérielle, il est par cherche par contre un équilibre difficile entre l’affirmation thématique et l’abandon de l’expression tonale.
Quatuor à cordes n° 3, op. 74 (1903-1904)
(1. Allegro agitato e vivace. 2. Vivace. 3. Andante sostenuto con variazoni. 4. Allegro con spirito e vivace)
Le quatuor surprend par ses dimensions particulières (plus de 55 minutes au total, le mouvement initial fait à lui seul 21 minutes, l’andante dépasse les 18 minutes).
« C’est une oeuvre complexe et difficile – témoignage, encore, de l’expressionnisme survolté de Reger, tendant à rompre les liens d’une tonalité minée par le chromatisme. » (Harry Halbreich)
3. Andante sostenuto con variazoni
Le mouvement initial avait déjà de quoi surprendre et interroger, mais l’on peut dire que le quatuor culmine avec cet andante. Le thème fait l’objet de onze variations, chacune d’elle nous aspire en avant.
Interprétation :
Philharmonia Quartett Berlin édité chez Thorofon en 1991 (réf. CTH 2116)
http://www.amazon.fr/Reger-Streichquartett-Philharmonia-Quartett-Berlin/dp/B000026ASG/ref=sr_1_3 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206177718&sr=1-3
Arnold Schoenberg (Vienne 13 septembre 1874, Los Angeles 13 juillet 1951)
Un des grands novateurs de l’histoire de la musique.
En 1908 premières œuvres émancipées de la tonalité en 1908 = 2 premiers quatuors, Erwartung, Pièces pour orchestre…
1912 = Pierrot lunaire.
En 1923, mise au point de la « méthode de 12 sons » = dodécaphonisme.
« … vous allez comprendre pourquoi je l’appelle une « méthode » et pourquoi je considère comme impropre le terme système. Et j’espère que vous conviendrez que ces œuvres sont pour l’essentiel des œuvres de l’imagination et non, comme le supposent maintes personnes, des constructions mathématiques. » A. Schoenberg.
Contraint en 1933 de quitter l’Allemagne pour les Etats-Unis.
Quatuor à cordes n° 4, op.37 (1936)
(1. Allegro molto, Energico (apparenté à la forme sonate) – 2. Comodo = scherzo – 3. Largo (ABAB) – 4. Allegro (rondo))
La forme reste classique, mais Schoenberg cherche surtout à trouver un terrain d’entente entre ses innovations techniques dans la composition et les formes anciennes.
Texture proche de celle d’une mélodie accompagnée, mais pas au détriment de la polyphonie.
3. Largo (AB… 4’35 » reprise du 2è AB)
Forme simple = ABAB.
Mouvement expressif.
Une seule ligne mélodique domine une texture harmonique.
Interprétation :
Schoenberg Quartet intégrale éditée chez Chandos
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=10855&name_role1=1&comp_id=2586&genre=70&bcorder=195&name_id=65210&name_role=4
Anton Webern (Vienne 3 décembre 1883, Mittershill 15 septembre 1945)
Elève de Schoenberg à partir de 1904. Se retrouve complètement isolé après le départ de Schoenberg pour les Etats-Unis et le décès de Berg en 1935. Il meurt en étant abattu par erreur par une sentinelle américaine.
Cinq mouvements pour quatuor à cordes, op. 5 (1909)
(1 Heftig bewegt Tempo I – etwas ruhiger Tempo II, 2 Sehr langsam, 3 Sehr bewegt, 4 Sehr langsam, 5 In sachter Bewegung)
Première oeuvre instrumentale de Webern composée hors du système tonal, avec pour première conséquence la diminution de la durée de l’oeuvre : « En renonçant à la tonalité, on perdait du même coup le moyen le plus important utilisé jusqu’alors pour construire des oeuvres de longue haleine » Anton Webern
La notion de thème ou de contours mélodiques disparaît pour laisser à la place à celle de ligne, à un jeu sur certains intervalles.
Accentuation des modes de jeu sur le timbre, qui se substitue au travail thématique.
Cette démarche trouvera une forme d’expression encore plus radicale dans les Six bagatelles pour quatuor à cordes, op. 9 de 1913.
Interprétation :
Artis Quartet édité chez Nimbus Records en 2001 (réf. NI 5668)
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=15172
Alban Berg (Vienne 9 février 1885, Vienne 24 décembre 1935)
Elève de Schoenberg.
Composition de nombreux Lieder et d’opéras (Wozzeck, Lulu).
Musicien d’une intense expressivité.
Suite lyrique (1926)
(1. Allegretto giovale – 2. Andante amoroso – 3. Allegro misterioso-trio estatico – 4. Adagio appassionato – 5. Presto delirando-tenebroso – 6. Largo desolato)
Œuvre originale par sa conception : suite de 6 mouvements (cf. Beethoven).
Proximité avec le Chant de la terre de Mahler, mais aussi avec l’oeuvre Wagner (citation de Tristan ).
Alternance des mouvements rapides (impairs) et des mouvements lents (pairs) = intensification alternative des tempos.
Utilisation de la technique sérielle.
En 1977 un exemplaire de la partition annoté par Berg révèle une passion amoureuse. L’œuvre contenait, en filigrane, une déclaration amoureuse.
5. Presto delirando-tenebroso
Forme scherzo = 1 / exploration des multiples techniques de jeu, 2 / passage sériel aux couleurs dramatiques et 3 / retour aux techniques de jeu.
Interprétation :
Alban Berg Quartett édité chez EMI en 1994 (réf. EMI 5551902)
http://www.amazon.fr/Berg-String-Quartet-Lyrische-Suite/dp/B000BR2PXC/ref=sr_1_5 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206307932&sr=8-5
Bella Bartok (Nagyszentmiklos 25 mars 1881, New York 26 septembre 1945)
Parallèlement à son œuvre de compositeur il collecte les chants populaires hongrois avec Kodaly.
S’il n’avait contribué aussi fortement à la remise en cause de la forme musicale du quatuor, il aurait très bien pu figurer avec les compositeurs dits « nationalistes ».
Œuvres = Château de Barbe Bleue, Musique pour cordes percussions et célesta.
Avec la montée du nazisme en Hongrie, il s’expatrie aux Etats-Unis.
Ses 6 quatuors représentent les jalons à partir desquels on peut analyser toute son œuvre de compositeur : 1909 : avec le 1er quatuor Bartok prend ses distances par rapport au post-romantisme.
1917 : le 2è quatuor quant à lui représente sa phase expressionniste.
1927 : le 3è quatuor correspond à une phase de recherche, et d’expérimentation du langage atonal.
1928 : le 4è quatuor marque l’adoption de la forme ne arche.
1934 : le 5è quatuor représente une phase d’écriture tonale.
1939 : le 6è quatuor correspond à un moment de déchirement, et précède son exil aux Etats-Unis.
Esthétique :
Intégration de la musique populaire dans sa démarche compositionnelle. Ce qui passionne Bartok dans la musique populaire, c’est sa singularité : « Plus une chanson est primitive, plus son harmonisation et son accompagnement peuvent être singuliers » B. Bartok.
Cette passion pour l’étude des musiques populaires, fait qu’il ne cèdera jamais complètement à la méthode de composition sérielle : « une musique populaire atonale est inconcevable ».
Mais le folklore est aussi pour lui une source d’inspiration quant aux recherches de sonorités originales.
Quatuor n° 5, Sz. 102
(1. Allegro (ut) – 2. Adagio (mi) – 3. Scherzo (tonalité ambiguë, basée sur ut) – 4. Andante (lab) – 5. Allegro vivace (ut))
Forme en arche, tout comme le 4è quatuor = ABCBA.
Cette forme « concentrique » se retrouve également pour chacun des mouvements.
Il s’agit ici pour le compositeur d’un retour à une phase plus classique, nettement plus tonale, sans pour autant être du néo-classicisme.
L’œuvre porte en elle les tensions qui sont celles de son époque. Bartok étant particulièrement sensible à ce contexte politique.
1. Allegro
Importance donnée au triton.
1er thème au découpage rythmique très marqué, extensions successives
(1’24 ») = passage lent avec de nombreux chromatisme, (2’16 ») = retour au motif rythmique du départ transposé dans une autre tonalité
(2’55 ») = thème au rythme obsessionnel, répétitif.
Interprétation :
Quatuor Végh édité chez Naïve en 2001 (réf. V4870)
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=12591
Benjamin Britten (Lowestofft, Suffolk, 22 novembre 1913, Aldeburgh, 4 décembre 1976)
Britten voue un véritable culte à Purcel, dont il continue à accomplir la tradition nationale au cours du 20ème siècle. S’il n’est pas à l’origine d’une révolution esthétique, son oeuvre de musique de chambre est une des plus remarquables du 20ème siècle (quatuors, suites pour violoncelle). Son écriture allie tradition néoclassique et recherche sonore.
Quatuor à cordes n° 2 en ut majeur, op. 36 (1945)
(1. Allegro calmo senza rigore. 2. Vivace. 3. Chacony. Sostenuto)
1. Allegro calmo senza rigore
Le premier mouvement s’ouvre sur une très belle et ample exposition thématique.
2. Vivace
Le deuxième mouvement s’appuie sur les coups d’archet incisifs des musiciens. Il est construit sur une tension contenue, qui est continuellement relayée au sein du quatuor, soit par le jeu singulier de chacun des instruments, soit par des moments de jeu collectif.
Interprétation :
Brodsky Quartet édité chez Challenge Classics en 2002 (réf. CC72099)
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=1515&name_role1=1&comp_id=8596&genre=70&bcorder=195&name_id=62697&name_role=4
c) L’éclatement du genre : de Chostakovitch à Carter
Malgré le développement des technologies et des moyens sonores nouveaux, les compositeurs continuent à manifester un engouement grandissant pour ce genre, avec des tendances encore bien plus éclatées que précédemment, au point d’être quasiment individualistes. (Conceptions classicisantes de Chostakovitch, Hindemith, radicalisme avant-gardiste de Cage, sérialisme postwebernien de Milton Babbitt, expérimentalisme des quatuors de Kagel.
Cette nouvelle époque oscillera entre liquidation des données fondatrices du quatuor à cordes et expérimentation d’une écriture de plus en plus radicale en lien avec des dispositifs extérieurs (bande magnétique, électronique, scénographiques, bruitistes…).
« Dans un paysage esthétique touffu où le modèle structurant de la forme sonate, devenu anachronique, au mieux s’estompe et généralement se perd dans le rejet ou l’oubli, où aucun artiste, aucun courant n’émerge avec la force de l’évidence, les problèmes de légitimation de l’œuvre ne se posent plus comme par le passé par rapport à un ordre suprême (la référence implicite à Dieu chez Haydn), à un « je » souverain qui impose sa personnalité musicale avec la force d’un mythe (Beethoven), à une école (l’école de Vienne) qui, fût-elle combattue, édicte des normes, mais par rapport à la seule conscience artistique du sujet. Or ce sujet non seulement brisé mais, comme le dit Sartre, « éclaté » ne s’adresse lus qu’à « une partie de lui-même », d’où cette crise de la communication que mettent en scène de nombreux quatuors, soit dans un dialogue des voix rendu impossible par leur divergence (Carter, Quatuor n° 3) ou par le « bruit » (Stockhausen « Helikopteren »), soit par une disparition du motif qui obère toute possibilité de transmission (Ligeti). » (Bernard Fournier)
Programme d’écoute :
Paul Hindemith (Hanau (Hesse) 16 novembre 1895, Francfort-sur-le-Main 28 décembre 1963)
A 20 ans Hindemith est premier violon à l’Opéra de Francfort, puis chef d’orchestre principal. Il fonde également le Quatuor Amar dont il est l’altiste. Il s’expatrie en Suisse ne 1937, aux Etats-Unis en 1940.
Le compositeur a connu une gloire précoce « phare de l’avangardisme » (Bernard Fournier) avec des oeuvres novatrices (exploration de nouveaux langages musicaux, émancipation ou reformulation des principes de la tonalité…), mais ces poussées en avant ont connu une forme de régression après guerre et l’on tenu à l’écart de la nouvelle scène musicale des années 50. Par exemple la tonalité restait pour lui le principe irréductible de la musique, même si elle dépasse l’opposition majeur / mineur, pour s’appuyer sur un ordre hiérarchique des intervalles.
L’ironie est aussi présente dans une pièce comme l’« Ouverture du Vaisseau Fantôme jouée à vue par un orchestre thermal de deuxième catégorie à sept heures du matin ».
Cycle de 6 quatuors (un septième, sa première création pour le genre, n’a pas obtenu l’assentiment du compositeur). Les 4 premiers quatuors s’affranchissent progressivement de la tonalité (notion de tonalité élargie, polytonalité, polyphonie marquée par une indépendance harmonique des voix qui évoluent de façon linéaire…), tout en intégrant à leur écriture un certain nombre de fonctions tonales (résolution sur un accord parfait ou unisson sur une note pôle de la tonalité). La tonalité restant ainsi le cadre fonctionnel à l’intérieur duquel le compositeur peut prendre toutes ses libertés.
En témoignent la fougue et l’énergie propres à certains mouvements, oeuvres « dont la puissance dynamique s’appuie sur de longs processus d’amplification » (Bernard Fournier) sorte de crescendo construit à partir de tous les paramètres d’écriture : vitesse, intensité, masse, registre, progression, durée, tension…
Quatuor à cordes n° 1 en fa mineur, op. 10 (1918)
(1. Sehr lebhaft, straff im Rythmus, 2. Thema mit Variationen. Gemächlich, 3. Finale. Sehr lebhaft)
Une succession de 5 variations qui témoignent encore d’une écriture post-romantique, où le sens du lyrisme alterne avec des tempos fluctuants (3ème variation). La quatrième variation quant à elle créée un étagement sonore, où l’alto est mis en relief par le jeu en sourdine ou en pizzicato des autres instruments. Oeuvre inspirée d’une harmonie chromatique proche de celle de Max Reger.
Oeuvre sous-tendue par un esprit parodique et lyrique, qui lui confie à certains moments une ambiguïté remarquable.
Quatuor à cordes n° 3 , op. 22 (1922)
(1. Fugato. Sehr langsame Viertel. 2. Schnelle Achtel. Sehr energisch. 3 Ruhige Viertel. Stets fliessend. 4. Mässig schnelle Viertel. 5 Rondo.Gemächlich und mit Grazie)
Construit sur un modèle classique, l’oeuvre a un caractère expressionniste affirmé. Le mélodisme diatonique dû à l’indépendance et à la linéarité des voix, renforce précisément le caractère polyphonique et atonal de l’écriture.
Le 3ème mouvement peut être perçu comme une « musique de quiétude et d’oubli, d’une innocence presque enfantine » (Bernard Fournier). Son caractère obsédant, presque envoûtant, allie le lyrisme familier des voix mélodiques et l’étrangeté liée à leur superposition ou leur enlacement. Vertige auditif où la sobriété de quelques brèves monodies nous permet de retrouver, de temps à autre, un équilibre provisoire, mais le battement des cordes graves, nous pousse déjà vers de nouveaux vertiges sonores.
Le 4ème mouvement allie brièveté, énergie et allure improvisée. De forme bigarrée (rondo-scherzo ?), son refrain s’appuie sur « un motif accidenté de doubles croches au dessein atonal anguleux » (Bernard Fournier), tandis que les couplets s’appuient sur des « bariolages » entre notes et pédales dissonantes, antagonismes d’une même note jouée à 3 octaves de différence.
Interprétation :
Intégrale donnée en 1997 par le Kocian Quartet chez Praga Digitals (réf. PRD250 113.115), réédition partielle en 2002
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=65045&name_role1=4&bcorder=4&name_id=5407&name_role=1
Alois Haba (Vizovice en Moravie orientale le 21 juin 1893, Prague le 18 novembre 1973)
Il débute par une brève carrière d’instituteur, puis décide de faire ses études musicales à Prague, puis auprès de Franz Schreker à Vienne et auprès de Busoni à Berlin.
Se distingue par son travail de composition et théorique autour des micro-intervalles. Il est l’auteur en 1922 de l’ouvrage « Bases harmoniques du système par quarts de ton.
Il met en évidence la structure semi ou micro-chromatique des chansons populaires. Les chanteurs y modifient les hauteurs de sons tempérés à des fins d’expression.
Son système de notation a d’ailleurs était repris au Liban.
Modifier une note d’un sixième de ton peut la rendre plus douce, voire plus juste, de même l’augmentation de la note d’un neuvième de ton accentue son intensité.
Même s’il est à l’origine de la construction d’instruments de musique capables de jouer en quarts de ton (pianos, clarinettes, harmonium, trompettes…), il use dans ses composition d’instruments naturellement non tempérés. Il compose 16 quatuors à cordes (6 en demi-tons, 6 en quart de ton, 1 en cinquième de ton et 3 en sixièmes de ton) durant deux périodes séparées de 27 ans (1919-1923 puis 1959-1967).
A côté de ces aspects théoriques il faut relever l’influence rythmique, mélodique et lyrique que lui apportent l’écoute des chansons populaires de sa Valachie natale. Tout son travail théorique, peut être vu à la fois comme une écriture d’avant-garde et une façon de traduire au mieux le caractère spontané des musiques de tradition orale.
Pourtant ses oeuvres sont de caractère athématique, elles jouent sur l’alternance tension détente en usant de façon presque « homéopathique » des micro-intervalles.
Quatuor n° 4 dans un système de quart de ton, op. 14 (1922)
(1. Allegro energico – 2. Adagio. Andante. Allegro moderato. Moderato)
L’allegro impose une écoute en fondu enchaîné, où différents plans se superposent avec des textures différentes et conduisent à un entrelacs de notes. Perte de repère et sentiment d’inquiétante étrangeté s’installent tout particulièrement dans l’adagio.
Interprétation :
Stamitz Quartett édité chez Bayer Records en 2006 (réf. BR 100282-5)
http://www.amazon.fr/Alois-H%C3%A1ba-Streichquartette-Gesamtaufnahme-Haba/dp/B000NOK9WM/ref=sr_1_1 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206121412&sr=1-1
Ernst Krenek (Vienne 23 août 1900, 1991)
L’oeuvre de Krenek compositeur est d’abord marqué par l’expressionnisme, elle s’inspire de Bartok, Stravinsky, puis opte pour l’esthétique de Schoenberg. L’ensemble de ses 8 quatuors à cordes reflète une « trajectoire kaléidoscopique » à travers le 20ème siècle.
Quatuor à cordes n° 1, op. 6 (1921)
(1. Lento. 2. Allegro, ma non troppo. 3. Adagio molto. 4. Presto. 5. Andante, quasi adagio. 6. Allegro vivace. 7. Fuga. 8. Lento come prima)
Le quatuor n° 1 s’affirme comme une oeuvre librement atonale . En même temps le compositeur signe ici sa déclaration d’indépendance. Les huit mouvements s’enchaînent comme dans l’Opus 131 de Beethoven. Le lento s’ouvre sur un motif chromatique à la fois obsédant et contenu.
Interprétation :
Petersen Quartett édité en 2003 chez Capriccio (réf. 67 015)
http://www.amazon.fr/Ernst-Krenek-String-Quartets/dp/B00008HDLF/ref=sr_1_6 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206214790&sr=1-6
Giacinto Scelsi (La Spézia 8 janvier 1905, Rome 1988)
Il semble que l’indépendance de Scelsi ait beaucoup dérangé ses contemporains, en restant libre de toute attache matérielle ou systémique, en étant en avance sur son temps (il explore les techniques sérielles et les abandonnent au moment où celles-ci s’imposent dans les années 50 ou 60), il se coupe de toute possibilité d’appartenance à un groupe, à une esthétique.
La vie créatrice de Scelsi se partage en deux grandes périodes, séparées par quatre années de silence :
l’une allant de ses débuts en 1929 à l’année 1948, période durant laquelle il s’illustre comme le premier musicien italien à adopter les techniques dodécaphoniques (dès 1936), puis s’en détournera pour s’intéresser en particulier à la musique de Scriabine ;
l’autre allant de 1952 à sa mort, période pendant laquelle il explore les possibilités créatrices de la monodie (nombreux soli instrumentaux), aborde l’écriture en micro-intervalles, met en oeuvre une écriture autour de « sons pôles », élargit ses recherches aux spectres harmoniques et s’oriente de plus en plus vers un dépouillement musical extrême.
Interprétation :
Quatuor Arditti édité en 2002 chez Montaingne (réf. MO 782156)
http://www.amazon.fr/Giacinto-Scelsi-String-Quartets-Khoom/dp/B00005V52N/ref=sr_1_11 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206213003&sr=8-11
Quatuor à cordes n° 1 (1944)
(1. Quasi lento -Agitato – Molto sostenuto ed intenso – Con esaltazione – Vivace – Andante mosso – Drammatico – Violento, feroce. 2. Molto lento, quasi funebre – Pesante. 3. Scherzo. 4. Moderato – Deciso – Dolcissimo)
Ce premier quatuor à cordes, impose d’emblée Scelsi comme l’un des grands compositeurs du genre, il ne ressemble à aucune autre musique. L’écriture fait appel à l’harmonie ou au contrepoint et pourtant elle est pour l’essentiel non tonale, sans être pour autant sérielle. On parle d’accords bitonaux ou bimodaux.
3. Scherzo
Le scherzo est de forme classique. Harry Halbreich parle de « contepoint chromatique homorythmique par mouvement contraire en doubles croches », c’est dire la complexité de la musique, mais aussi son caractère saisissant qui s’exprime à travers des accords violents espacés irrégulièrement. Ce mouvement très bref déploie une énergie et une détermination troublante.
Quatuor à cordes n° 4 (1964)
En seul mouvement.
« La différenciation sans cesse plus subtile des sonorités amène le compositeur à traiter (et donc aussi à noter) chaque corde séparément, sur une portée propre. » Plus loin Harry Halbreich nous indique que cette écriture nous conduit aux limites mêmes du genre : « … pas du tout un quatuor, en fait, mais une composition ‘orchestrale’ pour seize cordes (notée parfois sur treize ou quatorze portées), où chaque corde est traitée comme un instrument avec sa propre couleur. »
Jeremy Drake avance l’idée d’un « Scelsi quantique » tant il est nécessaire, à ses yeux, de renouveler notre écoute, notre discours si l’on veut tenter l’analyse de sa musique. C’est pourquoi des termes tels que : orbite (en lien avec la position dans une échelle, dans une tessiture), saut quantique (passage d’une orbite à une autre), probabilité (emplacement dans le temps), la variabilité, l’interférence… finissent par s’imposer pour parler de sa musique.
Dimitri Chostakovitch (Saint-Pétersbourg 26 septembre 1906, Moscou 9 août 1975)
Musicien précoce, il compose dès l’âge de 10 ans.
1ère symphonie en 1926 (à 20 ans).
En 1936 Staline assiste à une représentation de son opéra, mais il n’est pas appelé dans sa loge.
A partir de là les quatuors représentent pour lui « l’antidote » de ses obligations de musicien de musique de films.
Dans sa jeunesse il accompagnait d’ailleurs des films muets au piano.
Esthétique :
Il fait, dans son langage musical, la synthèse entre l’héritage formel de Beethoven et celui des écoles nationales russes.
Le fait de se tenir à l’écart du sérialisme, a fait qu’il a été longtemps rejeté par l’avant garde musicale.
Ces derniers quatuors prennent la forme d’un opéra sans paroles où chaque soliste se voit attribué le rôle principal.
Quatuor à cordes n° 8 en ut mineur, op.110 (1960)
(1. Largo – 2. Allegro molto – 3. Allegretto – 4. Largo – 5. Largo)
Le compositeur écrit une sorte d’oraison funèbre. Cf. Biographie.
« Ce quatuor est dédié à la mémoire de l’auteur de ce quatuor ».
3 tempos lents = élément formel inhabituel.
L’impression auditive n’est pas celle d’une œuvre en 5 mouvements , mais d’une œuvre en un seul mouvement monothématique (DSCH)
1. Largo
Caractère autobiographique de l’œuvre = signature mélodique DSCH ( ré, mi bémol, do et si bécarre).
Tout d’abord au violoncelle, puis reprise en canon par l’alto, le second violon et le 1er violon.
2. Allegro molto
Suit une sorte de mouvement perpétuel : le 1er violon mène cette partie effrénée jusqu’à (0’54 »), où le jeu obsessionnel du 1er violon est interrompu le temps d’une brève mélodie juive.
Sforzandos des autres instruments à partir de (1’42 »).
(2’22 ») réapparition de la mélodie avec la rupture de la montée incessante du premier violon.
Enchaînement direct sur l’allegretto
3. Allegretto
Attaqué en triple forte.
Style de valse, reprise du motif « DSCH »
Interprétation :
Intégrale donnée par le Quatuor Borodine rééditée en 2006 chez Melodiya.
http://www.amazon.fr/Int%C3%A9grale-Quatuors-Dimitri-Chostakovitch/dp/B000HXE5BK/ref=sr_1_4 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206121318&sr=1-4
Elliott Carter (New York 11 décembre 1908)
Etudes auprès de Nadia Boulanger (1923 à 1925).
Tout d’abord tenté par le néo-classicisme, il trouve sa voie après la deuxième guerre mondiale.
Boulez a reconnu en lui le compositeur américain le plus remarquable.
Esthétique :
« L’une des idées majeures de la pensée de Carter réside principalement dans la confrontation entre deux forces, voire des discours qui pourraient être autonomes (…) : l’œuvre, chez Carter, constitue précisément ce carrefour, ce lieu d’intersection privilégié dont la dimension dramatique dépend de cette exploitation de potentialités en apparence irréductibles. » (Alain Poirier)
Modulation métrique = principe d’opposition rythmique = superposition de vitesses reposant sur des pulsations différentes.
Quatuor à cordes n° 3 (1971)
Exploitation de la notion de conversation.
Dans le quatuor n° 2 le compositeur avait imaginé des relations maîtres disciples entre les instrumentistes, avec une progression de l’individualité vers l’homogénéité.
Le compositeur franchit ici une nouvelle étape : « les quatre instrumentistes étant répartis en un double duo (premier violon et violoncelle, second violon et alto). De plus, à chacun des duos sera affectée une attitude d’exécution, le duo II devant respecter l’extrême rigueur rythmique du texte, alors que le duo I doit s’efforcer de jouer « quasi rubato ». Enfin (…) chaque duo possède ses propres tempos et les caractères qui leur sont associés, avec pour exemple, au début, un Furioso (noire pointée = 70) pour le duo I, superposé à un Maestoso (noire = 105) pour le duo II. » (Alain Poirier)
« Le résultat souhaité par le compositeur, au travers des irrégularités et de la non-concordance entre les deux discours, était de parvenir à une perception de quasi-improvisation. » (Alain Poirier)
Interprétation :
Quatuor Arditti édité chez Etcetera en 1994, réédité en 2005.
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=1974&name_role1=1&bcorder=1&comp_id=7980
Maurice Ohana (Casablanca 12 juin 1914, Paris 13 novembre 1992)
Le compositeur se forme en 1936 auprès de Daniel-Lesur à la Schola-Cantorum, puis après guerre auprès de Casella à Rome. Il participe à la fondation du groupe « Zodiaque ».
Ohana se situe dans la filiation de Debussy et Falla. Il s’attache au « contact sensoriel immédiat avec le sonore ».
« Les grandes leçons de musique (…), je les ai reçues concrètement de la mer et du vent, de la pluie sur les arbres et de la lumière… » (Maurice Ohana)
Maurice Ohana exploite au sein de ses quatuors à cordes des techniques de jeu liés aux micro-intervalles (écriture en tiers de ton).
« Un quatuor d’Ohana demeure fidèle à sa conception musicale de toujours, avant tout mélodique, avec une extension soit vers les grands blocs d’harmonie homophones, soit vers une hétérophonie asynchrone et non mesurée ». (Harry Halbreich)
Quatuor à cordes n° 1 (1963)
(1. Polyphonie. 2. Monodie. 3. Déchant. 4. Hymne)
Les titres des quatre mouvements font référence à la musique médiévale à laquelle le compositeur est attaché.
L’écriture se fait parfois jusqu’au sixième de ton.
Vers le milieu du mouvement (1 minute 29) l’écriture évolue vers une partie très homogène d’une grande richesse harmonique et sensuelle.
Quatuor à cordes n° 2 (1980)
(1. Sagittaire. 2. Mood. 3. Alborada. 4 Faran-Ngô)
Dans le deuxième quatuor Ohana élargit son écriture vers le cante jundo et le negro spiritual.
Le premier mouvement crée une densité harmonique particulière et captivante. L’oeuvre se déploie en une succession de plans très contrastés, alors que persiste malgré tout l’unité d’ensemble du mouvement.
Dans le titre Faran-Ngô, le compositeur désigne derrière le vocable « Ngô » les danses incantatoires venues d’anciennes cérémonies tribales.
Interprétation :
Quatuor Psophos édité chez AR RE-SE en 2004 (réf. 2004-7 ditribution Coadex)
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=8886&name_role1=1&bcorder=1&comp_id=189154
Henri Dutilleux (22 janvier 1916 à Angers)
Il obtient le premier Prix de Rome en 1938.
Enseigne à l’Ecole Normale Supérieure de Musique de Paris à partir de 1961, puis au Conservatoire en 1970-71.
Dutilleux organise le temps musical en sollicitant la mémoire. Sa réflexion porte sur la perception du temps entre préfiguration et souvenir.
« Ainsi la nuit » pour quatuor à cordes (1971-1977)
(Inroduction I – Nocturne. Parenthèse 1 II – Miroir d’espace. Parenthèse 2 III – Litanies. Parenthèse 3 IV – Litanies 2. Parenthèse 4 V – Constellations ; VI – Nocturne 2 ; VII – Temps suspendu)
Au départ Dutilleux avait commencé à écrire des pièces conçues comme des fragments isolés. Afin de raccorder ces pièces entre elles, il a composé une série parenthèses. « Des allusions à ce qui va suivre – ou ce qui précède – s’y trouvent placées, et elles se situent comme autant de points de repère » (Henri Dutilleux)
Inroduction I – Nocturne
Le premier mouvement à une fonction de marquage auditif (succession d’harmonies présentées en aller-retour), qui joue sur les réapparitions périodiques (à l’identique ou de façon altérée).
Interprétation :
Quatuor Sine Nomine édité chez Erato en 1994 (réf. 0630-14068-2)
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=3305&name_role1=1&bcorder=1&comp_id=223038
György Ligeti (28 mai 1923, Dicsöszentmaron en Transylvanie, Vienne 12 juin 2006)
Etudes à l’Académie de Musique de Budapest où il prendra la succession de Kodaly en 1950. En 1956 il quitte clandestinement la Hongrie. Stockhausen l’accueille à Cologne au sein du Studio de Musique Electronique. Il tirera de cette expérience en studio un certain nombre d’éléments musicaux qu’il cherchera à intégrer dans son écriture pour instruments traditionnels. Avec « Atmosphère » (1961) il compose sa première grande oeuvre instrumentale en se basant sur les principes de la micro-polyphonie (voix entremêlées, qui superposées produisent un effet de « cluster »).
Son catalogue d’oeuvre se répartit entre la période hongroise (de 1944 à 1956) et la période « occidentale » qui lui a fait suite.
Quatuor à cordes n° 1 « Métamorphoses nocturnes » (1953-54)
(1. Allegro grazioso. 2. Vivace, capriccioso. 3. Adagio, mesto. 4. Presto. 5. Andante tranquillo. 6. Tempo di valse, moderato, con eleganza, un poco capriccioso. 7. Allegretto, un poco gioviale. 8. Presstissimo)
Le quatuor est construit en un seul mouvement. Il se développe autour d’une cellule basée sur le conflit entre une écriture diatonique) deux secondes majeures ascendantes et chromatique) demi-ton descendant.
5. Andante tranquillo
L’andante est construit sur le subtil balancement entre écriture diatonique et chromatique. Comme si le compositeur cherchait à contrecarrer une écriture mélodique plus classique.
7. Allegretto, un poco gioviale
L’allegretto joue sur le contraste entre une écriture rythmique serrée, obstinée et une palette de glissendos. Ce qui donne une musique à la fois incisive et déliquescente.
Quatuor à cordes n° 2 (1968)
(1. Allegro nervoso. 2. Sostenuto, molto calmo. 3. Come une meccanismo di precisione. 4. Prestofurioso, brutale, tumultuoso. 5. Allegro condelicatezza)
Le quatuor n° 2 fait allusion à des compositeurs tels que Beethoven, Bartok, Berg. On retrouve également la combinaison d’une écriture diatonique à une écriture chromatique.
2. Sostenuto, molto calmo.
Le deuxième mouvement met en oeuvre une véritable dynamique des timbres. Les frottements harmoniques sont liés à l’utilisation d’une écriture chromatique combinée à de nombreux glissendos. Le mouvement complète ces variations d’intensité en utilisant de nombreuses techniques d’archet (trémolos, sur la touche, sur ponticello, flautando, con legno) ou de pizzicatos (avec l’ongle, en tapant du bout du doigt sur le manche…).
Interprétation :
Quatuor Arditti édité en 1997 chez Sony Classical (réf. 62 306)
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?name_id1=7141&name_role1=1&comp_id=1696&bcorder=15&name_id=13855&name_role=2
Karlheinz Stockhausen (Mödrath / Cologne 22 août 1928)
Il aborde l’ensemble des formes d’expression qui ont caractérisé la musique contemporaine depuis la musique sérielle.
Premières études de musique concrète , qu’il réalise au Groupe de Recherche Musicale de Pierre Schaeffer.
Il mène aussi ses recherches au Studio de musique électronique de la Radio de Cologne.
Dimension fondamentalement « cosmologique » de son œuvre.
Helikopter-quartet (1993)
Commande d’une oeuyre de musique de chambre pour le Festival de Salzbourg.
« C’est alors que je fis un rêve… » cf. Notice CD.
« Les musiciens exécutaient la plupart du temps des tremolos qui s’harmonisaient si bien avec les timbres et les rythmes des pales des rotors que les hélicoptères en devenaient comme des instruments de musique. »
Interprétation :
Quatuor Arditti édité chez Montaigne en 1999.
http://www.amazon.fr/Quatuor-cordes-Helikopter-Karlheinz-Stockhausen/dp/B00004NJJX/ref=sr_1_1 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206121600&sr=1-1
R. (Raymond) Murray Schafer (Sarnia, Ontario 18 juillet 1933)
R. Murray Schafer obtient en 1980 le Prix musical international Arthur-Honegger pour son premier quatuor à cordes . Il se voit décerner par la suite de nombreux autres prix (dont le Prix Glenn Gould, remis par Yehudi Menuhin). Il est l’auteur à ce jour de sept quatuors à cordes.
Il porte un intérêt particulier à l’environnement sonore et se définit lui-même comme le « père de l’écologie acoustique ». Engagement qui est à la fois politique et esthétique.
Il a également recours à diverses techniques d’écriture (le sérialisme), sans en être captif. Les matériaux qu’il utilise sont d’une grande diversité et révèlent le goût du compositeur pour la pensée et la religion de l’Orient.
Schafer est compositeur agréé du Centre de musique canadienne.
Quatuor à cordes n° 2 « Waves » (1976)
Le quatuor est sous-titré « Waves » car il dépeint le rythme des vagues. Schafer a constaté que ce rythme est à la fois constant (le temps qui s’écoule entre deux vagues) et irrégulier (asymétrie du rythme des vagues elles-mêmes).
Pour autant le compositeur ne cherche pas à faire une oeuvre descriptive, mais plutôt à s’inspirer de la structure temporelle propre au rythme marin.
Ce travail sur la temporalité s’accompagne d’une réflexion sur l’espace, puisqu’il est demandé aux musiciens de se déplacer au cours de l’exécution du quatuor.
Quatuor à cordes n° 4 (1989)
Le climat du quatuor est tout d’abord très lyrique, puis il évolue vers un passage d’une très grande intensité rythmique et sonore assez proche de l’univers d’un Chostakovitch. L’oeuvre se poursuit dans un climat de recueillement très particulier. L’oeuvre peut se comprendre comme un moment de recueillement suite à la disparition d’un ami cher. Le quatuor se termine d’ailleurs par une voix qui semble venir de l’au-delà : une voix et un violon se font entendre de l’arrière scène.
Interprétation :
Quatuor Molinari édité chez ATMA classique en 2000 (réf. ACD 22188/89)
http://www.amazon.fr/Quatuors-%C3%A0-cordes-nos-7/dp/B00005AKME/ref=sr_1_1 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206139123&sr=1-1
Erhard Grosskopf (1934)
Erhard Grosskopf se qualifie lui-même de compositeur freelance.
Il est ancien boursier de la Villa Massimo à Rome (1966-67 et 1977).
De 1983 à 1992 il a été régulièrement invité aux cours d’été de Darmstadt.
« En tant que compositeur, je suis tel l’architecte qui construit une maison pour la musique en espérant que la musique va s’installer dans cette maison – non pas comme le contenu dans la forme, mais comme l’esprit dans l’âme. » (Erhard Grosskopf)
De cette façon ce ne serait plus la musique qui pénétrerait nos oreilles, mais nous qui serions amené à entrer dans son espace.
Quatuor à cordes n° 1, op. 30 (1984)
Le quatuor n° 1 fait appel à une écriture polyphonique, il est construit à partir d’un processus sonore ininterrompu, qui se développe une tension croissante jusqu’à un moment de rupture, avant d’être prolongé sous une forme.
Interprétation :
Quatuor Arditti édité chez Neos en 2007 (réf. NEOS 10706)
http://www.amazon.fr/Erhartd-Grosskopf-Quatuors-cordes-n%C2%B01/dp/B000PFUBAO/ref=sr_1_1 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206144458&sr=8-1
Michaël Levinas (Paris 18 avril 1949)
Levinas fait ses études au Conservatoire de Paris dans les classes d’Yvonne Loriod et d’Olivier Messiaen. Il poursuit avec des stages au Groupe de Recherche Musicale, ainsi qu’en suivant des cours à Darmastadt (Xenakis, Stockhausen, Ligeti).
En 1974 il est co-fondateur puis responsable de l’ensemble « L’itinéraire ».
Parallèlement à cela il mène une carrière de pianiste concertiste international, et enseigne l’analyse au Conservatoire de Paris depuis 1992.
Son oeuvre est la fois imprégnée d’éléments merveilleux ou fantastiques et d’éléments dramatiques.
Il part de sons « impurs » et utilise également la technologie (dispositifs électroacoustiques) en lien avec les techniques instrumentales.
Quatuor à cordes n° 1 (1999)
(1. Oscillations. 2. Deuxième mouvement. 3. Réitération / Modification. 4 Deuxième réitération / Boogie-woogie)
Le quatuor est construit sur l’opposition entre les mouvements extrêmes et les mouvements
centraux. Chacun d’eux obéissant à des temporalités distinctes.
1. Oscillations
Dans le premier mouvement les musiciens utilisent des sourdines « coins de lettre » afin de transformer le son en lui donner un caractère inharmonique, à la limite de la dissonance, de la distorsion.
Interprétation :
L’Ensemble Musiques Nouvelles édité chez Accord en 2001 (réf. 462 785-2)
http://www.amazon.fr/Quatuor-Lettres-Enlac%C3%A9es-Froissements-Aragons/dp/B00005A0RL/ref=sr_1_1 ?ie=UTF8&s=music&qid=1206135418&sr=1-1
B) Introduction et définition d’un genre musical : le quatuor à cordes
Plus de 10 000 quatuors composés depuis l’origine, dont environ 200 chefs d’œuvres :
Quelques grands massifs = cycles de quatuors formant un ensemble cohérent : Haydn, Mozart (18è) – Beethoven (19è) – Ecole de Vienne (Schoenberg, Berg, Webern), Bartok, Chostakovitch (20è).
Autres cycles moins homogènes = Schubert, Dvorak.
Autres cycles significatifs = Hindemith, Martinu, Milhaud.
Compositeurs d’un seul quatuor = Wolf, Debussy, Ravel.
Compositeurs de 2 quatuors = Borodine, Smetana, Janacek, Ligeti.
Compositeurs de 3 quatuors = Schumann, Brahms, Tchaïkovski.
Compositeurs de + de 3 quatuors = Mendelssohn, Reger, Sibelius, Zemlinsky, Carter.
1)Origine du quatuor à cordes
a) Une double généalogie : formation instrumentale et discours musical
Si aujourd’hui ce genre revêt « l’évidence du Notre Père » (Webern), il a fallu attendre plus de 150 ans après l’apparition des instruments de la famille des violons pour que l’on songe à réunir ces quatre instruments.
Pour cela il fallait réunir les conditions d’un groupe instrumental stable et déterminé, mais aussi celle d’une forme musicale nouvelle assurant la possibilité d’un dialogue instrumental équilibré entre les quatre voix.
« Le quatuor à cordes est le produit de deux généalogies distinctes, celle d’une formation instrumentale homogène de musique de chambre associant quatre instruments de la même famille et celle d’une architecture, la forme sonate, qui rendît possible un mode de développement autonome du discours musical : émancipé du support d’un texte ou d’un sujet littéraire dans la mesure où il porte en lui même sa propre finalité et s’appuie sur une dramaturgie abstraite, ce discours – qui trouve son élan dans un principe de tension – s’appuie sur une organisation thématique, source de possibilités de transformation et d’évolution qui seront pris en charge par le dialogue instrumental. » (Bernard Fournier)
Le quatuor à cordes se caractérise par une écriture pour quatre parties. Mais il ne suffit pas d’écrire pour quatre instruments pour que s’affirme une écriture à quatre parties (certaines parties peuvent être doublées ou partagées). Inversement on peut écrire pour quatre parties sans écrire pour quatuor à cordes. Dès le XIème siècle Pérotin impose l’écriture à quatre voix ; en Angleterre on voit apparaître au début du XVIè siècle le Consort of viols (association d’instruments différents mais complémentaires). On a également assisté au développement d’associations hétérogènes (violes, vents, puis à partir de 1613 le clavecin).
Mais l’esprit quatuor suppose une écriture émancipée de la basse continue, de caractère non symphonique et mettant en scène une conversation instrumentale équilibrée, à la différence des sonate, sinfonie ou des concertini a quattro, qui relèvent plus du style symphonique et concertant que de celui de la musique de chambre (prééminence du premier violon, alto et violoncelle doublures à l’octave).
b) L’expression d’une classe sociale : la bourgeoisie urbaine au 18ème siècle
Le quatuor répond aux exigences de la classe sociale montante de ce milieu du 18ème siècle. Contrairement à la musique symphonique commanditée par les princes qui disposent d’un orchestre, la musique de chambre (quatuor, ou piano et cordes – le clavecin n’a jamais pu jouer le rôle d’un instrument de divertissement public) va apparaître comme la forme d’expression par excellence de cette nouvelle classe, car parfaitement adaptée à ses besoins de musique domestique.
Le quatuor « métaphorisait » musicalement cette pratique de la conversation, de la discussion intellectuelle empreinte de courtoisie qui se tenait dans les salons bourgeois du 18ème.
c) Convergence avec les idéaux du siècle des Lumières
Il serait abusif de vouloir expliquer l’évolution de l’esthétique musicale par l’histoire de la pensée, mais cela permet néanmoins de souligner des points de convergence.
« Tirer l’homme des ténèbres pour le plonger dans la lumière ». Il s’agit de l’Aufklärung, grâce à la raison qui – avec ou sans l’aide du cœur, c’est là un des grands débats du siècle – doit permettre d’atteindre la liberté et le bonheur.
Le Sturm und Drang : expression de révolte des artistes qui dans les années 1770 en Allemagne attaqueront toutes les valeurs établies en prônant l’exaltation des passions et l’émancipation de l’individu.
Le 18è siècle se caractérise avant tout par un grand bouillonnement intellectuel (spiritualistes / Rousseau, matérialistes / Helvetius, déistes / Voltaire, athées / Holbach, agnostiques / Diderot…etc.).
d) L’affirmation de l’œuvre
La beauté acquiert une existence propre, la musique n’a plus besoin de chercher sa signification en dehors d’elle-même.
La forme sonate et le quatuor à cordes apparaissent historiquement au moment où « l’œuvre affirme à la fois son autonomie – par rapport au texte par exemple – et son individualisation par le développement des ressources propres de son matériau… » (Bernard Fournier)
Rappelons que le développement de la musique imprimée est venu contrecarrer prééminence de l’interprète. Les partitions contiennent tout le texte musical et pas seulement, pour certaines parties, de simples chiffrages, de plus le compositeur est en position de négocier son talent auprès des éditeurs.
e) Contexte musical
Style baroque / style classique
En musique l’idéal de raison et de progrès, mais aussi de simplicité et de clarté, propre au siècle des Lumières s’avère « incompatible avec les principes de l’art baroque qui (…) met en valeur plutôt l’instantané que la cohérence de l’architecture, l’ornement et le détail plutôt que la ligne d’ensemble, la virtuosité et l’effet plus que la simplicité et l’intériorité. » B. Fournier, His… p. 50
Cela se traduit par :
une simplification des textures ;
une remise en question de l’équilibre entre les parties instrumentales ou vocales ;
une disparition du clavecin et, partant, l’abolition de l’écriture traditionnelle avec basse continue ;
le déclin des formes qui, dans la musique baroque, mettent en jeu la virtuosité vocale et instrumentale ;
le déclin relatif de la musique vocale et l’hégémonie nouvelle de la musique instrumentale, cette dernière jouait le rôle jusqu’alors d’une musique « fonctionnelle » (les ouvertures d’opéra permettaient aux danseurs de faire leur entrée, les interludes étaient là pour permettre au public de se détendre entre deux arias…), ou alors de divertissement (danses, musiques de table, représentations pour embellir le cérémonial des divertissements princiers…), ou alors on lui prêtait avant tout des missions pédagogiques (exercices instrumentaux), voire savantes (L’Art de la fugue et le savoir faire musical).
l’émancipation de la musique par rapport au texte et à l’expression codifiée des sentiments, avec la forme sonate la musique n’a plus besoin d’être subordonnée à un texte poétique, dramatique ou religieux, elle se libère de la nécessité d’illustrer un texte ou d’imiter des sentiments ;
« Pour la première fois, la musique va apparaître comme un art indépendant se justifiant entièrement en soi et puisant son sens universel dans ses propres ressources, un art qui, au lieu d’imiter artificiellement un sentiment qui lui est étranger, construit de l’intérieur le sentiment spécifique qui le caractérise. Cessant d’être l’illustration seconde d’une réalité qui ne lui est pas propre, elle crée son propre système de référence (…) son propre texte. » (Bernard Fournier)
2)Spécificités du quatuor à cordes
a)Mise à nu
« Son économie, sa concentration ne laissent place ni à l’à-peu-près, ni à la facilité, ni aux effets ; il faut être capable de beaucoup dire avec peu de moyens en sachant que toute faiblesse est impitoyablement mise en relief par cette sorte de lecture analytique que donne de l’œuvre la nécessaire répartition du discours en quatre parties égales et homogènes : avec le quatuor à cordes, le compositeur-roi est nu… » (Bernard Fournier).
Le compositeur se recentre sur l’essentiel (pas de recherche d’effets, aucune possibilité de diversion, l’écriture musicale se manifeste dans sa pureté et sa précision, comme d’une épure). Les quatre voix représentent la base nécessaire et suffisante de l’harmonie classique.
A l’opposé de la symphonie qui elle permet de jouer sur les couleurs, les choix d’orchestration.
L’invariance du groupe instrumental (aucune modification de composition ou de facture depuis ses origines, fait que les compositeurs cherchent des voies nouvelles en utilisant toujours le même type de ressources.
Il y a dans la nature même du quatuor quelque chose qui fait que cette formation instrumentale permet aux compositeurs d’aller au bout d’eux-mêmes et de leur exigence d’artiste.
b) Importance de la physique du quatuor à cordes
« A la fois jeu de société et métaphore musicale de la conversation entre amis ». (Bernard Fournier)
Le quatuor à cordes est perçu comme :
le lieu des expériences formelles (cf. forme sonate) ;
le lieu privilégié des innovations (après l’Op. 111 Beethoven se plaint des limites du piano) ;
le genre où s’exprime l’achèvement suprême du « métier » de compositeur.
Il offre sur le plan physique :
les qualités inhérentes aux instruments qui le composent (2 violons, 1 alto et 1 violoncelle), chacun jouant sans être doublé (contrairement à l’orchestre). Qautre instruments, mais trois types (violons, alto et violoncelle). Importance du nombre, leur sélection (d’autres combinaisons ont été essayées mais sans succès), leur nature (instruments à cordes frottées = richesse des harmoniques, possibilités immenses de phrasé, mode d’attaque, sonorité…) ;
l’homogénéité liée à la fois à la sonorité, la technique instrumentale et les modes jeux), c’est le seul genre musical à offrir cette plénitude ;
la personnalisation (les quatre voix lui permettent de simuler l’hétérogénéité), contrairement au piano le quatuor n’induit pas un genre « fusionné » (il n’est pas un instrument à 16 cordes), mais un genre fusionnel, c’est-à-dire portant en lui des possibilités de fusion mais aussi de dissociation. Un des enjeux majeurs de l’écriture pour quatuor (qualité de la mise en œuvre de cette dialectique de la fusion et de la dissociation, de l’homogène et de l’hétérogène, de l’un et du multiple).
c) La forme sonate : une dramatisation du discours musical
A l’origine les différents mouvements d’une œuvre de forme sonate font appel à toutes les grandes formes en vigueur au début du XVIIIè siècle : l’aria d’opéra (qui inspire l’adagio), le rondo, le concerto, le menuet, la fugue, la reprise variée ou les variations.
Avec la forme sonate on assiste à la construction progressive d’un modèle cohérent, d’une architecture unifiée.
Elle permet au compositeur d’explorer différentes sphères de la vie spirituelle, avec :
un premier mouvement (allegro) où l’action musicale est elle-même la métaphore de l’action théâtrale ;
une page consacrée à la méditation, à l’effusion intime (mouvement lent) ;
un entracte ludique dont le déroulement est guidé par une survivance du geste de la danse (menuet)
au final une célébration festive pour clore l’œuvre en apothéose.
Cette progression dramatique liée à la forme même de l’oeuvre est complétée par une conversation équilibrée à quatre voix, qui permet une distribution singulière des motifs mélodiques ou rythmiques entre les différents instruments, qui peuvent apparaître comme les personnages d’une pièce de théâtre abstraite.
« La structure dramatique et contrastive de la forme sonate permettait de renouveler entièrement l’intérêt et les objectifs du discours musical susceptible désormais de conduire une action purement musicale sous-tendue par un geste narratif avec une intrigue et un dénouement. Simplement, cette intrigue est devenue abstraite, elle se joue entre des acteurs qui sont des thèmes et des motifs placés dans une situation de discours qui leur permet de s’affronter, de s’associer, de se transformer. Le nerf de l’action c’est la tension que fait naître le système tonal avec sa polarisation vers la tonique et la manière dont l’architecture de la forme parvient à exacerber cette tension à grande échelle et à la résoudre . » (Bernard Fournier)
C) Interprétation
1) Quelques critères
Le quatuor à cordes est le seul genre musical à avoir imposé « de facto la constitution de ces microsociétés extrêmement soudées et en principe démocratiques que sont les formations de quatuor à cordes » (Bernard Fournier).
En matière d’interprétation il faut relever différents aspects liés :
à la fidélité au texte ;
au choix et équilibre des tempos ;
au phrasé ;
à l’étagement des nuances d’interprétation ; à la qualité de la sonorité ;
à la technique instrumentale ;
à l’homogénéité ;
à la conception d’ensemble de l’œuvre ; à l’élan et à l’engagement des interprètes.
2) Discographies
Classica 2002 : la discothèque idéale classique à petit prix ! [texte imprimé] / Bertrand Dermoncourt. Edité chez Prélude et fugue, 2002. 336 p. ISBN 2-84343-091-7.
Guide des CD récompensés par la presse et les grands prix : musique classique / Jean-Philippe Biojout, Pascal Fardet. Edité chez Bleu nuit en 2001. ISBN 2-913575-03-X
3) Identifier une interprétation
a) Arkivmusic
Afin d’avoir un aperçu méthodique sur les principales interprétations disponibles :
le site commercial et bien documenté : www.arkivmusic.com
Recherches par compositeur. Ici les résultats d’une recherche sur un quatuor de Beethoven, pas moins de 36 ensembles cités, dont certains avec plusieurs enregistrements à leur actif.
Recherches par formation. Ici les résultats d’une recherche autour du Quatuor Arditti, pas moins de 49 références signalées :
http://www.arkivmusic.com/classical/Drilldown ?&name_id=61847&name_role=4
Les anglophones pourront profiter des descriptions analytiques et critiques qui accompagnent un grand nombre d’enregistrements. A quand un site français qui regrouperait les critiques musicales parues dans Diapason, le Monde de la Musique… Le respect frileux des droits d’auteurs empêchera-t’il à jamais ce type d’initiative ?
b) Wikipedia
A noter également les fiches rédigées sur Wikipedia concernant les principaux ensembles de quatuor à cordes :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_formations_et_ensembles_de_musique_classique#Quatuors_.C3.A0_cordes
Plus de 29 formations de quatuors à cordes détaillées. Comme souvent avec Wikipedia, les niveaux d’information sont variables d’une notice à l’autre. De grands absents de la liste : Vegh ?
Cet accès permet de regrouper un grand nombre de liens vers des pages bibliographiques liées à ces ensembles.
Voici quelques unes des pages Internet, parmi les mieux documentées, consacrées aux ensembles de quatuors à cordes :
Arditti
http://www.ownvoice.com/ardittiquartet/
Artemis
http://www.artemisquartet.com/index.html
Italiano
http://www.quartettoitaliano.com/
Juilliard
http://juilliardstringquartet.org/bios/index.html
Kronos
http://www.kronosquartet.org/
Prazak
http://www.prazakquartet.com/biographie
Talich
http://www.talichquartet.cz/frames.php
Ysaye
http://www.ysayerecords.com
4) Festivals français dédiés aux quatuors à cordes :
Festival de Quatuors à cordes du Luberon http://pagesperso-orange.fr/festival-luberon-quatuors/
Cité de la Musique : Biennale du quatuor à cordes
http://www.cite-musique.fr/francais/mini-sites/0712_biennale/programme.htm
« Tous les deux ans, la Cité de la musique offre, dans sa Biennale de quatuors à cordes, un large panorama de ce genre si exigeant transcendé par l’interprétation de formations légendaires (les Quatuors Juilliard, Borodine, Emerson, Arditti, Hagen, Amati, Rosamunde, Zehetmair, Pacifica…). » Michel Le Naour
Festival de quatuors à cordes en Pays de Fayence
http://www.quatuors-enpaysdefayence.com/
Festival de quatuors à cordes en Pays de Fayence créé en 1989. Programmé à la fin du mois d’octobre.
Concours international de quatuor à cordes de Bordeaux
http://www.quatuorabordeaux.com/fr/le_concours.html
Le Concours International de Quatuor à Cordes de Bordeaux créé en 1999. Héritier direct du Concours d’Evian, né en 1976.
5) Autres sources documentaires généralistes :
Musicologie.org a été créé par Jean-Marc Warszawski http://www.musicologie.org/sites/quatuor_a_cordes.html
Cité de la musique
http://mediatheque.cite-musique
Wikipedia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Quatuor_%C3%A0_cordes
6) Vidéos (DVD)
Très peu de vidéos sont disponibles à ce jour, alors que le concert enregistré est une façon idéale d’entrer dans ce genre musical. Le concert (vivant ou filmé) est source d’une écoute active : l’auditeur peut suivre dans l’espace le déplacement et l’étagement des différentes voix musicales. Chose qui demande une oreille exercée lors de l’écoute d’un enregistrement audio (distinction des voix par leur registre, leur timbre, leur ordre d’entrée ou de sortie dans l’oeuvre…).
a) Vidéos s’inscrivant dans une démarche artistique
Schubert : String Quartet No. 14 ; D810 « Death & the Maiden » / Alban Berg Quartet. Un film de Bruno Monsaigeon de 1996. La Sept, 1997, 52 minutes [V242]. Entretien avec le quatuor Alban Berg et un atelier d’interpétation avec le Quatuor Artemis.
Edité par EMI Classics (réf. 094633846692)
Une fois de plus Bruno Monsaigeon mets son art de la réalisation (cadrages, lumières, rythme des images) au service de la partition. Le documentaire proposé en bonus est un très bel exemple d’analyse et de compréhension du quatuor de Schubert, et au-delà de l’art d’interpréter un quatuor à cordes.
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=125980
Schubert : Death & The Maiden ; Beethoven, Haydn / Takács Quartet. Edité en 2006 chez Decca. (Réf. 000735809).
Film édité en 2006 chez Decca et réalisé par Mike Newman. On trouve ici un très bel équilibre entre perception/écoute de l’oeuvre et mise en scène. Sans aller jusqu’aux cadrages dramatiques d’un Bruno Monsaigeon, le réalisateur compose ici une très belle image de la musique (justesse des cadrages, gestion des lumières et des couleurs). Le décors historique n’a rien de surfait et complète de façon appropriée la musique. L’enregistrement est de très bonne qualité et les commentaires des musiciens résonnent à la fois comme une introduction, une invitation et compréhension de l’oeuvre.
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=143246
Bartók : String Quartets No 2, 3 & 6 / Takács Quartets. Edité chez Decca en 2006. (Réf. 000748509)
Au regard du DVD commenté ci-dessous, nous ne pouvons qu’attendre les meilleures choses concernant ce DVD. Cet avis (sans avoir vu le film) est justifié par le fait qu’une partie des séances liées à l’enregistrement du quatrième quatuor de Bartok figure sur le DVD précédent. Sans doute la plus belle occasion d’entrer dans ce cycle majeur du 20ème siècle par l’image et la musique.
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=143256
b) Vidéos d’archives
Beethoven, Mozart, Brahms : String Quartets / Amadeus Quartet. Edité en 2005 chez EMI Classics. – (Classic archive, 31). (Réf. 724359968391)
Documents d’archive de l’ORTF / INA échelonnés de 1956 et 1973.
La séance filmée autour des quatuors de Beethoven le 4 décembre 1969 (Directeur Antoine Hirsch) est la mieux restituée et donne une image sensible et sobre d’un des plus grands quatuors du 20ème siècle.
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=93925
Beethoven : String Quartets / Alban Berg Quartet. La captation de la dernière intégrale enregistrée par le Quatuor Alban Berg au Konzerthaus de Vienne. Edité en 2006 chez EMI Classics. 3 volumes de 2 DVD.
On peut s’étonner du manque d’invention dans la réalisation des ces films. Pourtant le projet semblait bien pensé (saisir pour le disque et l’image une intégrale des quatuors de Beethoven). Le cadre historique de la salle de concert (aspect suranné/surchargé de la salle) est encore amplifié par le côté kitsch de la scène fleurie. Bref il ne faut pas s’attendre ici à une vision/écoute recherchée de l’interprétation (cf. les Berg dans Schubert). Reste la trace visuelle d’une des plus belles interprétations du cycle beethovénien.
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=127339
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=125965
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=125982
Schubert : Trout Quintet, Etc ; Britten : String Quartet No 2 / Amadeus String Quartet. Edité chez Testament en 2005. (Réf. 1001)
Schubert : String Quintet ; Britten String Quartet No 3 / Amadeus Quartet. Edité chez Testament en 2005. (Réf. 1002)
On peut regretter que ces archives n’aient pas fait l’objet d’une meilleure restauration. La définition du son et de l’image n’est pas très bonne. La captation (plans, cadrages, mouvements de caméra…) ne fait pas preuve d’une très grande imagination. Reste l’occasion inespérée d’entendre et de voir le Quatuor Amadeus dans Britten.
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=118287
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=118288
b) Autres témoignages vidéo repérés sans avoir pu être visionnés
Guarneri Quartet Plays Beethoven Beethoven / Guarneri Quartet. Edité en 2005 chez VAI (Vidéo Artists Int’l).
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=102584
Feldman Edition Vol. 6 – String Quartet No 2 / Flux Quartet. Edité en 2002 chez Mode Records. (réf. 112 ?).
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=74093
Haydn : String Quartets / Lindsay String Quartet. Edité chez Opus Arte en 2005 (Réf. 920).
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=106402
Kronos On Stage – Crumb, Tan / Kronos Quartet Kronos Quartet. Edité chez Image Entertainement en 2002. (Réf. 9261).
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=74723
Kronos Quartet – In Accord. Avec des oeuvres d’Astor Piazzola, Terry Riley, Hamza El Din, John Zorn, John Adams, Hildegard of Bingen, Harry partch, Pérotin, Alfred Schnittke, Jimi Hendrix. Edité chez Image Entertainement en 2000. (réfl. 5808 ?).
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=75037
Smetana : String Quartets 1 & 2 ; Dvorak : Sextet / Smetana Quartet.
Edité en 2003 chez Supraphon (Réf. 7004 ?)
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp ?album_id=74903