Actes des rencontres 2002 (Villeurbanne) : après-midi

  • Par administrateur
  • 29 août 2002
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CLASSER LES DOCUMENTS SONORES EN BIBLIOTHEQUE PUBLIQUE

Table ronde de l’après-midi

Elisabeth GIULIANI (BNF)
Christiane KRILOFF (CNSM de Lyon)
Sandrine LOPEZ (CNSM de Lyon)
Xavier GALAUP (BDP du Haut-Rhin)
Pascal WAGNER (médiathèque Saint Jean de Védas)

A) ELISABETH GIULIANI

- Présentation générale des principes de classement

Toute classification n’a pas vocation à être universelle, permanente. Rien n’étant définitif, ce genre de tentative serait vouée à l’échec. Une classification est un point de vue sur une discipline. Ce qui est important, c’est de rester cohérent vis à vis de son point de vue de départ : à l’intérieur d’une classification générale, on peut s’intégrer au fonctionnement global d’un établissement, ou bien on choisit son propre fonctionnement à l’intérieur de cette structure, dans un espace particulier. Souvent l’organisation administrative des établissements impose ses choix.

A Tolbiac, par exemple, la part la plus visible des collections est en libre accès, ce qui impose pour le département audiovisuel une classification générale et encyclopédique : la Dewey est utilisée et les zones de liberté sont exploitées de façon cohérente pour favoriser les mêmes réflexes chez les usagers. Tous les ouvrages en libre accès sont classés selon une même logique.

En revanche, le Département de la musique qui fait partie des départements dits » spécialisés », se trouve dans un lieu indépendant, ce qui a permis une classification strictement musicale. En effet, le public qui vient là, se place dans une optique de recherche sur la musique. La classification du RILM (Répertoire International de la Littérature Musicale) est utilisée. L’utilisateur se plie à la classification en vigueur.

Donc, cet exemple de la BN vient illustrer deux choix possibles de classification : soit une classification générale, encyclopédique, soit une classification spécifique. Les choix ne sont pas faits au hasard, il ne sert donc à rien de se monter sectaire, voire totalitaire.

- Le but de la classification

On doit savoir à quoi la classification doit servir.

Elle a deux objectifs incontournables : celui du rangement physique des documents sur les rayons (approche pragmatique) et l’exigence de faire apparaître le contenu des documents (approche conceptuelle). Ces deux impératifs provoquent obligatoirement des tensions. Le classement hiérarchique (du général au particulier) est une contrainte très importante, d’autant qu’elle s’accompagne d’un système de cotations, de codifications extrêmement précis.

Comment le domaine musical s’intègre-t-il à ce système très hiérarchisé ?

Il faut tenir compte de la diversité des formes et des supports (partitions, écrits sur la musique, vidéogrammes, CD, CDRom). Il faut tenir compte également de la diversité des usages et du niveau d’expertise de l’usager.

Il faut savoir et accepter qu’on ne peut pas imposer la même logique à tous les types de musique. Ils n’ont pas la même histoire. Par exemple, le critère géographique choisi pour les Musique du Monde n’est évidemment pas le même que le critère chronologique choisi pour la Musique savante. De même, le choix sera différent si l’on privilégie la forme musicale plutôt que son genre (musique religieuse, musique de danse ), ou sa structure, avec un classement organologique ( classement alphabétique par instrument ou effectif instrumental).

Grâce aux travaux de la Bibliothèque du congrès et de l’Université de Laval, des liens alphabétiques ont été établis entre les entrées analytiques matière et les indices de la classification. En France, Rameau (indexation matière) fonctionne bien, mais il nous reste encore des progrès à faire au niveau de la classification, qui en est l’élément complémentaire. Les deux vont ensemble : mots matière et indices Dewey.

- Conclusion

Quand on veut retenir une classification, il faut choisir parmi tous ces critères, celui qui sera discriminant de façon majoritaire. Une classification pure, parfaite, est inenvisageable et serait finalement inadaptée. Les tendances de la recherche actuelle ne sont pas hiérarchiques, car l’usager lui-même, a une démarche de moins en moins hiérarchique.

B ) LE POINT DE VUE DES BIBLIOTHECAIRES DE CONSERVATOIRE

1) Christiane Kriloff : pragmatisme au CNSM de Lyon

. Très vite il est apparu que la classification de la Bibliothèque de France était inopérante pour la musique imprimée au Conservatoire.

Le CNSM a donc adopté plusieurs types de classement :

- Un répertoire instrumental pour la musique imprimée.

- La Dewey pour les domaines particuliers : danse, poésie, beaux-arts.

- Le RILM pour les articles de presse et la littérature musicale.

- Un classement alphabétique pour les biographies de compositeurs.

C. Kriloff rejoint E. Giuliani dans sa démarche : à vouloir être trop précis, on perd le but de la classification : il faut s’adapter au besoin du public. Au CNSM, la classification est destinée aux musiciens exécutants . La recherche organologique y est donc très importante .

En ce qui concerne les nouveaux instruments et types musicaux que représente la musique électronique, il a suffi de rajouter une classe au niveau des instruments.

Dans le cas d’une recherche précise, on choisit l’indexation matière. Importance des recoupements de l’indice matière avec l’indice de la classification. Il existe une volonté très forte de rapprocher les zones Unimarc et Intermarc. Volonté également d’utiliser les travaux de l’ IRCAM et la Cité de la Musique au niveau de la recherche instrumentale, avec des tables correspondantes adaptées au public non initié au langage informatique. On choisit un principe de base tout en s’intégrant à une classification globale. Il faut éviter dans la mesure du possible de faire sa petite salade maison. Des classements ont été élaborés et mûrement réfléchis par des professionnels ; alors profitons de ce travail tout simplement !

2 ) Sandrine Lopez

Le problème majeur se trouve au niveau de la musique contemporaine avec les nouveaux instruments. Par exemple, que faire d’un « Quatuor à cordes pour hélicoptère »de Stokhausen ?
Le choix s’est porté sur la forme et on le trouvera donc avec les quatuors.

Ensuite, qu’entend-t-on par « dispositif électronique » ? Travail en temps réel, spacialisation par ordinateur, accompagnement électronique d’une formation instrumentale…Il est important de bien définir les termes que l’on emploie, afin de conserver l’homogénéité du classement et de pouvoir aussi s’adapter à la nouveauté parfois déconcertante…

C ) XAVIER GALAUP

1 ) Remerciements

A Gilles Pierret et Martine Parmentier de la Médiathèque musicale, à Christian Massault, Michel Delahaye , Paul Heems, Benoît Galichet et à tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de la nouvelle classification.

2) Les contraintes de cette révision :

La classification Massy est en révision depuis janvier 2001. La réédition officielle de « Musiques en bibliothèque » est prévue pour septembre 2002.

Outre un délai de travail relativement court, il fallait prendre en compte deux approches contradictoires : l’une théorique, correspondant à un choix philosophique ; l’autre pragmatique, liée au classement physique des documents, à la classification déjà existante et au marché du disque qui fait exploser les cadres existants.

3) Bref historique :

- 1971 : Premier manuel du discothécaire. Classement par genre qui présentait des incohérences entre les indices des genres populaires et les indices de la musique classique.

- 1978 : réédition : synthèse entre le classement numérique de la Discothèque de St Dié et celui du Manuel du Discothécaire de 1971

- 1984 : Première édition de la classification Massy : système numérique décimal et tables annexes (subdivisions communes).

- 1985 : Deuxième édition : aménagement partiel.

- 1992 : Troisième version : Principe de Classement des Documents Musicaux (PCDM)

4 ) Pourquoi une version 4 ?

On a constaté une prolifération de « sous-indices maison » très préjudiciables à la cohérence globale du PCDM. De nouveaux courants musicaux apparaissent constamment pendant que d’autres deviennent obsolètes ou s’intègrent à un courant global.

Au constat de l’atténuation progressive du langage commun, il y a eu « l’appel du 26 janvier 2001 » : « Rajeunissons collectivement la classification des documents musicaux ! » L’idée générale était de rapprocher deux systèmes qui jusqu’ici ne faisaient que cohabiter dans les médiathèques : Dewey et PCDM.

Au départ on voulait profiter de la réédition de « Musiques en bibliothèques » en proposant cette nouvelle version à titre provisoire, dite la « 4 ème de transition » puis, avec le recul du délai de réédition de l’ouvrage, une volonté d’approfondissement s’est imposée. On a fait alors appel aux bonnes volontés pour faire avancer le projet (20 personnes se sont jointes alors à l’équipe).

D ) PASCAL WAGNER

Les grandes lignes du nouveau PCDM



-
Volonté d’intégrer cette nouvelle version à la Dewey. Le public n’aura affaire qu’à une seule classification. L’indice 780 de la Dewey est réaménagé avec un PCDM indépendant.

- Abandon de la classe spécifique aux enfants, on procède désormais comme
avec la Dewey : il suffira de différencier les fonds
par l’ajout d’un J ou d’un code couleur.

- Nécessité d’éviter le replâtrage et de travailler en profondeur sur les failles et les manques.

- Souplesse et possibilité de choix selon les établissements et la sensibilité des discothécaires

- Utiliser ce cadre avec la possibilité de rattacher plusieurs indices à la notice bibliographique pour la recherche documentaire et d’en retenir un pour le classement physique.

La nouvelle architecture :

Classe 0 : Généralités comme dans la Dewey

Classe 1 : Musiques d’influence afro-américaines

: blues
: gospel
: jazz
: Rythm’n’blues
: rap
: reggae

Classe 2 : Rock

Pas de modifications

Classe 3 : Musique classique (musique savante occidentale)

idem, si ce n’est l’intégration de la musique contemporaine de forme savante.

Classe 4 : Nouvelles musiques électroniques.

Subdivisions BPM (nombre de Beats par minute)

Classe 5 : Musiques fonctionnelles.

Extraction des musiques de film

Classe 6 : Musique et cinéma.

Classe 7 : Classe de décantation

pour classer définitivement ou provisoirement les inclassables.

Classe 8 : Chanson française avec subdivisions spécifiques

Classe 9 : Musiques du monde.

Déplacées avec un redécoupage géographique.

DEBAT FINAL

Parmi les réactions :

- L’ancienne classification n’était pas si mal que ça.

- Pourquoi l’intégration à la Dewey ? Réponse : pour homogénéiser les pratiques et les dérives induites par les adaptations éparpillées, sauvages, maison.

- Recul devant le gros travail de remise à jour des collections avec le changement de cote . Réponse : chacun fera à son rythme et suivant ses possibilités. Ce travail de remaniement propose des pistes et un cadre auquel chacun s’adaptera dans la mesure du possible. En aucun cas il ne s’agit d’un carcan.

Les Bibliothécaires du CNSM reconnaissent qu’elle n’utiliseront pas cette nouvelle classification, leurs utilisateurs n’ayant pas les mêmes demandes qu’en Bibliothèque publique. Elle émettent, toutefois, quelques réserves au sujet de l’absence de place pour le théâtre musical et les formes opératiques. Elle souhaitent également un classement précis pour les musiques électroniques qui sont, pour l’instant, un fourre-tout.

C. Kriloff fait remarquer qu »à l’ère d’Internet, il faut éviter la recherche d’originalité, mais au contraire se fondre dans ce qui existe déjà, dans un souci de simplicité.

CONCLUSION

Christian Massault rappelle la tension imposée par les différents critères de la classification. Il y aura toujours des insatisfaits parce-que l’universalité ne peut pas exister en cette matière. D’où l’importance des groupes de veille, comme il en existe pour Rameau : penser collectivement l’organisation de nos collections sans se laisser parasiter par les contraintes de mise en application.

Cette journée n’est qu’une étape dans un travail qui devra se poursuivre de façon continue ( à suivre : « discothécaire -fr » et « Ecouter et voir » ) et avec d’autres rencontres de ce type. En 2001, « la » Journée nationale de rencontre des discothécaires et bibliothécaires musicaux  » inaugurée à Bourges, avait pour vocation d’être pérenne. En 2003, l’Association des discothécaires de l’est et Xavier Galaup se proposent de nous inviter pour la 3ème édition, en lien de préférence avec un événement musical de leur région.

Ceux qui ont travaillé à la nouvelle classification sont prêts à rencontrer et à discuter avec leurs collègue de France et de Navarre.