Le jazz

  • Par administrateur
  • 22 janvier 2004
  • 0
  • 359 Vues

Cette question est régulièrement posée par les usagers de la discothèque qui souhaitent découvrir le jazz et se trouvent un peu désemparés devant le nombre de disques à leur disposition.

Le choix des disques que nous vous présentons est volontairement très sélectif car plus de 1400 CD de jazz sont disponibles à la Médiathèque d’Arras. C’est une liste de base qui vous permettra une première approche de cette musique et qui, nous l’espérons, vous donnera envie d’aller plus loin.

Nous remercions Monsieur Jean Prince, membre de l’association JAM et passionné de jazz, pour sa précieuse collaboration.

LES ORIGINES DU JAZZ

Déportés d’Afrique occidentale depuis le 17è siècle, des centaines de milliers d’esclaves noirs privés de leurs biens et de leur liberté sont en outre déracinés et dépossédés de toute identité. La musique reste le seul lien avec leur terre d’origine. Ces esclaves vont cependant se réinventer une culture en mêlant des éléments de celle de leurs propriétaires blancs des éléments de celles de leurs propriétaires blancs et les souvenirs de leurs coutumes ancestrales. Le brassage des traditions africaines conservées par les Noirs et de la culture européenne qui leur est imposée va donner naissance à de nouveaux modes d’expression musicale : worksong, negro-spiritual, blues et ragtime.

C’est dans ces musiques que le jazz puise ses différentes racines.

WORKSONGS

Les worksongs sont la première forme d’expression musicale créée par les Noirs américains. Ces chants simples et sans accompagnement étaient scandés par les esclaves pour rythmer les efforts que nécessitaient les pénibles travaux collectifs dans les champs de coton et sur les voies de chemin de fer. Ils sont construits sur le système du call and response : une phrase chantée (appel) est lancée par un soliste puis reprise (réponse) avec des accents différents par le chœur.
Ces chants de travail sont l’une des formes les plus proches des musiques africaines.

Anthologie : Afro-american spirituals, work songs and ballads


NEGRO SPIRITUALS ET GOSPEL SONGS

D’abord astreints aux services religieux de leurs maîtres, les Noirs purent après 1876 se réunir pour le culte dans leurs propres églises. Ils inventent alors leurs hymnes religieux en adaptant le répertoire des cantiques et des psaumes et l’enrichissent d’éléments de la tradition musicale africaine (rythmes, improvisation, transe…)
Ces chants religieux d’abord appelés negro-spirituals sont rebaptisés gospels.
A partir des années trente, de grandes chanteuses comme Sister Rosetta Tharpe et plus tard Mahalia Jackson apparaissent. De nombreux ensembles vocaux, tels le célèbre Golden Gate Quartet popularisent aussi cette musique.

L’art vocal religieux négro-américain reste encore aujourd’hui la pratique musicale première de nombreux artistes noirs.

ABYSSINIAN BAPTIST CHOIR : Shakin’ the rafters. 1991
GOLDEN GATE QUARTET : Golden years, 1949-1952
Mahalia JACKSON : In the upper room. 1953-1971
Louis ARMSTRONG : The Good book, vol. 1. 1958

LE BLUES

A la pratique collective et religieuse des gospels s’oppose celle, individuelle et profane, du blues.
Cette complainte nostalgique apparaît dans la population rurale noire après l’abolition de l’esclavage. Le Delta du Mississippi passe pour être le berceau de cette nouvelle musique.
Le blues est à la fois une forme musicale définie : une chanson courte de douze mesures sur une structure d’accords déterminée avec l’emploi caractéristique des fameuses blue notes *.
Mais c’est aussi un état d’esprit particulier, un sentiment de mélancolie et de cafard.
Les textes, souvent poétiques, quelquefois très salaces mais non dénués d’humour, évoquent toutes les situations de la rude vie quotidienne des Noirs : pauvreté, racisme, alcoolisme… et bien sur, mal d’amour.
A l’origine, le blues était exclusivement vocal puis les chanteurs prirent l’habitude de s’accompagner (guitare, banjo, washboard *, harmonica et même piano et orchestre). Le blues rural gagna les grands centres industriels, notamment Memphis et Chicago.

Source majeure du jazz, le blues influencera aussi les autres musiques populaires naissantes comme le rhythm’n’ blues puis le rock and roll.

Actuellement, le blues continue toujours son cheminement.

Les premières grandes figures du blues sont les bluesmen Robert Johnson, Charlie Patton, Blind Lemon Jefferson, Leadbelly ; les chanteuses Ma Rainey, Alberta Hunter, Bessie Smith ; les artistes de Chicago Big Bill Broonzy, Sonny Boy Williamson, Memphis Slim, Muddy Waters et Willie Dixon.

Robert JOHNSON : The complete recordings
Big Bill BROONZY : The good time tonight. 1930-1940
Bessie SMITH : Great original performances, 1925-1933
John Lee HOOKER : The Detroit lion, enregistrements originaux 1948-1961

LE RAGTIME

Une autre forme musicale apparaît dans le dernier quart du XIXe siècle : le ragtime. Cette musique sophistiquée, essentiellement pianistique, est inventée par des Noirs qui connaissent les œuvres des compositeurs blancs classiques. La ligne mélodique syncopée par la main droite du pianiste met littéralement le temps « en lambeaux » (ragged time se traduit par temps déchiré), la main gauche conservant cependant une assise de basses régulières.
D’abord joué uniquement au piano solo, le ragtime fut intégré dans les fanfares noires et blanches.
Scott Joplin demeure le plus grand créateur de ragtime. Ses compositions comme Maple leaf rag et The Entertainer (thème utilisé dans le film L’arnaque) comptent parmi les plus célèbres.

Anthologie : The greatest ragtime of the century (Jelly Roll Morton, Fats Waller, Scott Joplin, James P. Johnson, Eubie Blake, Jimmy Blythe). 1916-1931
Katia et Marielle LABEQUE (p) : Gladrags. 1983
CONCERT ARBAN : Le ragtime de Scott Joplin à Claude Bolling
Marcus ROBERTS, p : The Joy of Joplin. 1998

Dans le courant des années 20, des pianistes new-yorkais modifièrent le rag donnant ainsi naissance au style « stride* » dont les plus grands représentants sont James P. Johnson, Willie The Lion Smith et Fats Waller.

Anthologie : Boogie woogie story, vol. 1, 1917-1922 (Eubie Blake, Jimmy Blythe, Fats Waller)
Willie « The Lion » SMITH : Piano solos
Fats WALLER : That’s Fats. – 1935
Fats WALLER (p) : Great original performances, 1927-1934

NOUVELLE ORLEANS ET CHICAGO
(v. 1900- v. 1930)

JAZZ : Les origines du mot ne sont pas franchement établies. Pour les uns jazz viendrait du verbe patois créole « jaser » ; pour d’autres, il évoque les prostituées de la Nouvelle-Orléans surnommées « jazz-belles » en souvenir de la Jezabel biblique. Certains encore avancent qu’il s’agirait du diminutif d’un musicien ambulant : Jazbo Brown très prisé du public

A la fin du XIXe siècle, dans le brassage culturel, le bouillonnement festif et la liberté des mœurs qui caractérisent la Nouvelle-Orléans émerge cette nouvelle musique que l’on nommera jass puis jazz. Dans les quartiers chauds, l’activité musicale est permanente. Tout est prétexte à défilés et parades. Les Noirs qui ont récupéré à la fin de la guerre de Sécession les instruments de musique des régiments dissous, constituent de nombreuses fanfares qui se mêlent ou s’opposent aux musiciens créoles en de mémorables concours.
C’est dans ce contexte musical effervescent que naissent les premières grandes figures du jazz. Du célèbre cornettiste Buddy Bolden dont il n’existe aucun enregistrement, il ne reste que la légende. Le chef d’orchestre et cornettiste Freddie Keppard refusa même d’être enregistré de peur d’être copié par ses concurrentsVers 1917, la fermeture du quartier de Storyville pour cause de guerre pousse les musiciens à émigrer vers le Nord. Chicago devient alors la ville du jazz. Les cornettistes King Oliver, Freddie Keppard, Louis Armstrong ; les clarinettistes Johnny Dodds, Sidney Bechet, Jimmie Noone, le pianiste créole Jelly Roll Morton et bien d’autres s’y retrouvent. Sous l’influence de Louis Armstrong, l’improvisation collective qui prédomine dans le jazz nouvelle-Orléans va peu à peu laisser place à la voix des solistes.

Anthologie : New Orleans
Jelly Roll MORTON (p) : J. R. Morton and his Red hot peppers
King OLIVER (cnt) : The complete King Oliver creole jazz band
Louis ARMSTRONG : Louis Armstrong and Earl Hines, vol. 4
Louis ARMSTRONG : Hot fives, vol. 1

Par ailleurs, de jeunes musiciens blancs se prennent de passion pour la musique venue de la Nouvelle-Orléans. Ils baptisent leur musique « Dixieland* » Ces Chicagoans parmi lesquels le trompettiste-cornettiste Bix Beiderbecke, le saxophoniste Frankie Trambauer et le clarinettiste Goodman apportent sensibilité et audaces harmoniques inspirées de la musique classique de ce début du XXe siècle.

Anthologie : Chicago
Bix BEIDERBECKE : Singin’ the blues
Albert AMMONS and Meade Lux LEWIS : The first day

LE SWING,
LE MIDDLE JAZZ DES ANNEES 30

Au cours des années vingt, la popularité du jazz s’étend à l’ensemble des Etats-Unis et même à l’Europe. L’orchestre blanc « Original Dixieland Jass Band » grave pour la firme Victor le premier disque de jazz.

New York gagne à son tour le titre de capitale du jazz. Le style pianistique « stride* » hérité du ragtime s’y développe. Peu à peu, dans les clubs de jazz et les revues apparaissent des big bands. Musique de ces grandes formations, le swing* en tant que style est intimement lié à la danse. Il séduit un vaste public qui en se divertissant, tente d’oublier la crise économique.

Les grands orchestres de jazz de l’époque comptent 12 à 20 musiciens. Mis à part la section rythmique (piano, contrebasse, batterie et parfois guitare), les autres musiciens se répartissent en sections instrumentales, c’est à dire que les instruments apparentés sont réunis (les anches, les trompettes, les trombones…)

Le big band se caractérise aussi par la musique qu’il interprète et qui nécessite des orchestrations particulières à cause de son effectif élargi.

Les plus célèbres big bands new-yorkais de l’ère swing sont les formations du Cotton club (conduites par Cab Calloway ou Duke Ellington) et l’orchestre de Jimmie Lunceford.
A Kansas city, l’ensemble de Count Basie compte parmi les plus importants.

Fletcher HENDERSON : Swing. 1929-1937. – BBC
Cab CALLOWAY : Frantic in the Atlantic
Jimmie LUNCEFORD : Vol. 1, 1927-1934. – (Master of jazz)
Benny CARTER : And his orchestra. 1936-1939. – (Génies du jazz)
Duke ELLINGTON (p & dir) : Duke Ellington, vol ; 1 1924-1926
Duke ELLINGTON (p & dir) : Piano in the background
Count BASIE (p & dir.) : The essential Count Basie, vol. 1
Count BASIE (p & dir.) : Chairman of the board
Count BASIE (p & dir.) : Atomic Basie, E = MC2
Benny GOODMAN : Live at Carnegie hall
Benny GOODMAN : The Benny Goodman sextet, 1939-1941

Dans toutes les grandes formations des années trente, de nombreux talents individuels se révèlent. On peut citer les trompettistes Cootie Williams, Rex Stewart, Buck Clayton, Harry Edison, Roy Eldridge…

Roy ELDRIDGE : Little jazz

…les saxophonistes (alto) Johnny Hodges, Benny Carter ; (tenor) Coleman Hawkins, Lester Young, Ben Webster, Don Byas ; (baryton) Harry Carney,…

Johnny HODGES : Everybody knows Johnny Hodges. 1964-1965
Chu BERRY : Les virtuoses du ténor mainstream (Génies du jazz). 1933-1939
Coleman HAWKINS : The indispensable Coleman Hawkins : body and soul, 1927-1956
Lester YOUNG : Prez and Teddy

… les trombonistes Dicky Wells, Benny Morton, Joe Nanton et le guitariste Charlie Christian.

Charlie CHRISTIAN : The Genius of electric guitar. 1939-1941

Deux grandes voix féminines aux antipodes l’une de l’autre illustrent le jazz vocal de l’ère swing : Billie Holiday et Ella Fitzgerald.

Billie HOLIDAY (voc) : The quintessential Billie Holiday, vol. 5« Billie chante comme une pieuvre. Ce n’est pas toujours rassurant d’abord ; mais quand ça vous accroche, ça vous accroche avec huit bras et ça ne vous lâche plus. » Boris Vian
Ella FITZGERALD (voc) : At the opera house

Outre Ellington et Basie, les pianistes les plus marquants sont Earl Hines, Teddy Wilson, Art Tatum et Nat King Cole.

Earl HINES : Louis Armstrong (tr, voc. & dir.) and Earl Hines (p), vol. 4. 1927-1928
Art TATUM (p) : Live at the Crescendo
Nat King COLE (p & voc.) : It’s almost like being in love
Teddy WILSON & Billie HOLIDAY : Too hot for words. 1935

La France se convertit au swing. Au sein du quintette du Hot club de France apparaissent deux artistes singuliers : le guitariste manouche Django Reinhardt et le violoniste Stéphane Grappelli.

Django REINHARDT (guit.) et Stéphane GRAPPELLI (v) : Djangologie USA, vol. 1 & 2

LE NEW ORLEANS REVIVAL (1937-1950)

Le New Orleans revival apparaît vers 1937 en réaction contre le swing.Des intellectuels blancs à la recherche de la « pureté originelle du jazz » vont rechercher les vétérans oubliés : Jelly Roll Morton, Bunk Johnson… Ce style de musique connaît une grande vogue en Europe à la Libération.

Sidney BECHET : 1924 to 1938
Claude LUTER : A Saint-Germain-des-prés, 1956-1957

LE BE BOP
OU LE JAZZ MODERNE DES ANNEES 40

Au début des années 40, le swing s’essouffle. Les grands orchestres sont contraints de se dissoudre à cause du départ de nombreux musiciens mobilisés au moment où les Etats-Unis prennent part à la Seconde guerre mondiale. Par ailleurs, exceptés quelques grands talents, la musique s’épuise dans une routine commerciale et un académisme certain.
En réaction, de jeunes musiciens noirs qui se réunissent en petites formations dans les clubs de Harlem cherchent de nouvelles voies pour le jazz et inventent une musique moderne rompant totalement avec le monde du divertissement et les facilités du swing : le be bop * voit le jour et le jazz entre dans l’ère moderne.

Parmi les principaux artisans de la nouvelle musique : le saxophoniste alto Charlie Parker et le trompettiste Dizzie Gillespie, mais aussi les pianistes novateurs Thelonious Monk et Bud Powell, le batteur Kenny Clarke et la vocaliste Sarah Vaughan Parti de Harlem, le be bop s’étend aux autres clubs new-yorkais. Parker et Gillespie le font découvrir sur la côte californienne lors d’une tournée mémorable. Norman Granz contribue aussi à répandre la nouvelle musique au cours des fameux concerts JATP (Jazz At The Philarmonic) où les boppers se produisent à côté de leurs aînés (Lester Young, Coleman Hawkins, Roy Eldridge…)
« Je crois que tous les types comme Charlie Parker ou Dizzy ont énormément contribué à créer les marches du progrès suivi par la musique moderne. C’était la meilleure chose qui puisse arriver au monde car tout devait obligatoirement évoluer. » Count Basie

Thelonious MONK (p) : The genius of modern music, vol. 1 & vol. 2
Thelonious MONK (p) : Thelonious Monk
Charlie PARKER (st) and Dizzy GILLESPIE (trp) : Best of Bird on Savoy
Charlie PARKER (st) and Dizzy GILLESPIE (trp) : Bird and Diz
Charlie PARKER (st) and Dizzy GILLESPIE (trp) : The greatest jazz concert for ever
Dizzy GILLESPIE ORCHESTRA : The legendary big band concerts
Dizzy GILLESPIE ORCHESTRA : Most important recordings of Dizzy Gillespie
Bud POWELL (p) : The amazing Bud Powell, vol. 1 & 2
Bud POWELL (p) : Jazz giant
J. J. JOHNSON : Jay and Kai, Mad bop
Dexter GORDON : Our man in Paris
Sarah VAUGHAN (voc) : At Mister Kelly’s

Mais tous les musiciens n’acceptent pas la modernité du be bop. En France, le critique Hugues Panassié dénonce cette musique contraire selon lui aux normes du jazz.

Le be bop innove considérablement sur différents points. Sur le plan du rythme, batteur et pianiste désarticulent leur jeu. Aux grands orchestres , les nouveaux jazzmen préfèrent les formations plus réduites (trio, quartet, quintet). Du point de vue harmonique, la musique s’enrichit de nouveaux accords. Pourtant, le be bop n’oublie pas ses racines. Très marqué par le blues, il utilise les standards* qu’il métamorphose et rebaptise.

Indiana devient  Donna Lee
How high the moon  Ornithology
Whispering  Groovin’ high
Cherokee  Koko

LA PERPETUATION DU SWING
OU LA MODERNITE TEMPEREE (1940)

Pendant l’avènement du bop, le courant swing ne disparaît pas totalement. Des jazzmen qui ne sont ni boppers, ni dixielanders restent fidèles à la tradition des années 30-40.
Ce courant appelé mainstream * ou middle jazz regroupe des individualités disparates.

Erroll GARNER (p) : Concert by the sea
Ahmad JAMAL (p) : At the Pershing
Don BYAS : Don Byas on Blue star
Oscar PETERSON : The trio
Bill EVANS (p) : Sunday at the Village vanguard
Bill EVANS (p) : At the Montreux jazz festival
Stéphane GRAPPELLI (vl) & Martial SOLAL (p) : Happy reunion
Hank JONES : I remember you
Ben WEBSTER : Warm moods
Barney WILEN : French ballads

JAZZ COOL AND WEST COAST JAZZ,
LE CALME APRES LA TEMPETE (1949-1955)

Le début des années 50 voit apparaître une génération de musiciens, blancs pour la plupart, qui adaptent le be bop en un style plus subtil et très intériorisé : le cool *. Les créateurs du bop avaient livré une musique très complexe à l’état brut ; les adeptes du cool préfèrent un jeu plus legato et intimiste qui remet en valeur la mélodie et tempère l’énergie du bop.

Le jeune trompettiste Miles Davis invente cette façon plus « relax » de jouer le jazz au sein d’une formation inaccoutumée de neuf musiciens où figurent Lee Konitz (sax alto) et Gerry Mulligan (sax baryton). Le nonet enregistre les titres qui seront réunis sous le nom de « Birth of the cool ».

Miles DAVIS (trp) : Birth of the cool
Lennie TRISTANO (p) : Live in Toronto
Gerry MULLIGAN (bs) : Pleyel concerts 1954, vol. 1 & 2
Lee KONITZ : Live at the Half note, 1959

Sur la côte ouest des Etats-Unis, le big band de Woody Herman avec sa section de quatre saxophonistes (Stan Getz, Zoot Sims, Herbie Stewart,ténors et Serge Chaloff, baryton) surnommés les Brothers, propose lui aussi une manière plus détendue de phraser. Ce style west coast* fait école auprès de jazzmen blancs.

Woody HERMAN : Keeper of the flame
Stan GETZ (ts) : At Storyville
Stan GETZ (ts) : But beautiful
Stan GETZ (ts) : Voyage
Stan KENTON : New concept of artistry in rhythm
Art PEPPER : Art Pepper + Eleven
Chet BAKER (trp & voc) : Chet in Paris, vol. 1
Jimmy GIUFFRE : Hollywood & Newport, 1957-58
Shelly MANNE : 2-3-4 (Legendary masters of jazz)
Dave BRUBECK : Time out
Dexter GORDON : Dexter blows hot and cool

Vers la fin des années 50, une autre forme musicale dérivée du cool se dégage qui mêle au jazz des éléments de musique classique. Le Modern jazz quartet en est le groupe phare.

MODERN JAZZ QUARTET : Django
MODERN JAZZ QUARTET : Concorde

HARD BOP, FUNKY,
LE RETOUR AUX SOURCES
DURANT LES ANNEES 50

Devant le succès du jazz cool et ses dérivés interprétés principalement par les blancs, les musiciens noirs se sentent dépossédés de leur art. Ils opèrent à nouveau un retour aux sources du jazz et à la conscience noire. Le hard bop *, aussi appelé jazz soul ou funky jazz , se veut un jazz plus dur en opposition à la douceur du jazz cool.

Deux formations importantes initient ce mouvement musical : le quintet du batteur Max Roach et du trompettiste trop tôt disparu Clifford Brown et Les Jazz messengers d’Art Blakey.

A côté de Miles Davis, toujours à l’avant-garde, la scène hard bop s’enrichit de multiples talents. Citons le ténor Sonny Rollins, l’altiste Cannonball Adderley, Le contrebassiste Charlie Mingus, les trompettistes Freddie Hubard et Donald Byrd, l’organiste Jimmy Smith et le guitariste Wes Montgomery. Le saxophoniste John Coltrane déborde les limites du hard bop et annonce la liberté du free jazz.

Art BLAKEY (batt) and THE JAZZ MESSENGERS : Au Club St-Germain
Max ROACH (batt) : We insist !
Miles DAVIS (trp) : Milestones
Miles DAVIS (trp) : Kind of blue
Horace SILVER (p) : Horace Silver trio
Cannonball ADDERLEY : Somethin’ else
Sonny ROLLINS : Saxophone colossus
Charles MINGUS (cb) : Pithecanthropus erectus
Charles MINGUS (cb) : Blues and roots
Jackie MAC LEAN : Let freedom ring
Freddie HUBARD (trp) : The Blue note years
Donald BYRD (trp) : Byrd in Paris, vol. 1
Jimmy SMITH (org) : Walk on the wild side
Wes MONTGOMERY : The incredible jazz guitar of Wes Montgomery
John COLTRANE (ts) : Blue train
John COLTRANE (ts) : Giant steps

LE FREE JAZZ
OU LE JAZZ LIBERE DES ANNEES 60

Les années 60 furent particulièrement aux Etats-Unis une période de troubles (guerre du Vietnam, mouvements contestataires étudiants, revendication de l’identité noire…). Au diapason de cette époque de tension et de révolte, les jazzmen noirs élaborent une musique libertaire : le free jazz * appelé aussi « new thing ».

Sous le parrainage de Charlie Mingus et de John Coltrane, ils créent une musique révolutionnaire qui s’affranchit de toute organisation. Cette improvisation absolue avec l’abandon de tous les codes musicaux (mélodie, harmonie, rythme) déroute public et critique.« Nous essayons de faire maintenant ce que faisaient au début des musiciens comme Armstrong : leur musique était réjouissance » Albert Ayler

John COLTRANE (ts) : The Major works of JC. Impulse
John COLTRANE (ts) : Love supreme
Albert Ayler : Love cry
Ornette COLEMAN : Free jazz
Ornette COLEMAN : Tomorrow is the question
Albert AYLER : Vibrations
Cecil TAYLOR : Conquistador
ART ENSEMBLE OF CHICAGO : Urban bushman
Archie SHEPP : Blasé
SUN RA : The futuristic sounds of Sun Ra
Don CHERRY : Old and new dreams
Roland KIRK : We free kings
Eric DOLPHY : Out to lunch
Pharoah SANDERS : Tauhid
Anthony BRAXTON : Dortmund quartet 1976

Pourtant, jusqu’à la fin des années 70, le free trouve une certaine audience auprès d’une élite intellectuelle aux Etats-Unis et dans le monde entier, notamment en Europe où son esprit de liberté permet aux musiciens d’inventer des musiques basées sur l’improvisation, très différentes les unes des autres.

Michel PORTAL : Dejarme solo !
Leo CUYPERS (p) & Willem BREUKER (saxo) : Zeeland suite and Johnny Rep suite.

JAZZ FUSION
UNE OUVERTURE VERS LE ROCK (1968-1980)

L’explosion de la musique rock auprès d’un immense public marque la fin des années 60. Déjà, entre rock progressif et jazz d’avant garde, la frontière se révèle assez mince.
Le trompettiste Miles Davis qui a par le passé contribué à l’évolution du jazz entreprend alors une synthèse des musiques rock et jazz

Il s’entoure de jeunes musiciens séduits par les d’instruments électriques et il amplifie sa trompette. Sa sonorité glacée plane sur une musique où se mêlent divers instruments électriques (guitares et claviers sont prépondérants) sur une rythmique binaire héritée du rock.

Avec les compositions que Miles Davis expérimente alors débute l’ère du jazz électrique dit jazz-rock *

Miles DAVIS (trp) : Filles de Kilimandjaro
Miles DAVIS (trp) : We want Miles
Miles DAVIS (trp) : Tutu

De nombreux musiciens marqués par leur passage dans les formations de Miles Davis poursuivent leurs propres carrières. Parmi « les enfants de Miles », il faut indiquer les pianistes Herbie Hancock, Chick Corea et Keith Jarrett…

Chick COREA (p) : Trio music
Herbie HANCOCK : Head hunters
Keith JARRETT (p) : Facing you

« Quand je ne suis pas en train de jouer, je pense à la musique. J’y pense tout le temps (…) Je n’aime pas ce mot de jazz que les blancs nous ont collé. Je ne joue pas non plus du rock. Je fais de la musique que chaque jour exige. » Miles Davis

…les saxophonistes Wayne Shorter, Dave Liebman, Steve Grossman, Bill Evans, Kenny Garrett…

… les guitaristes John Mc Laughlin et John Scofield…

John Mc LAUGHLIN : Electric guitarist
John SCOFIELD : Electric outlet

et les batteurs Tony Williams, Jack DeJohnette et Billy Cobham.

Tony WILLIAMS : Spectrum
Billy COBHAM : The best of Billy Cobham

Le jazz-rock suscite la formation de groupe (Weather Report, Mahavishnu orchestra, Return to forever…) et inspire toute une nouvelle génération d’artistes. Attirant un public de jeunes venus du rock, le jazz électrique, appelé fusion dans le courant des années 80, connaît un important succès commercial.

WEATHER REPORT : Mysterious traveller
MAHAVISHNU ORCHESTRA : Between nothingness and eternity
STEPS AHEAD : Steps ahead
Pat METHENY (guit) : Travels
Wayne SHORTER (sax) : Native dancer
Jaco PASTORIUS (guit b) : Jaco Pastorius
Didier LOCKWOOD (vl) : Live in Montreux
Jean Luc PONTY (vl) : Open mind
Michael & Randy BRECKER : Return of the Brecker brothers
Stanley CLARKE (guit b) : School days
Al DI MEOLA : Elegant gypsy

Mais le style dégénère, les progrès de la lutherie électronique ne suffisant pas à masquer une musique souvent aseptisée de musiciens moins inspirés.

AUJOURD’HUI :
LE JAZZ ECLATE

Le jazz contemporain, désormais universel, est d’une extrême diversité. Même si les différents styles qui ont marqué son évolution se perpétuent ou s’enrichissent d’éléments extérieurs, aucun ne prédomine réellement. Les œuvres de jazz créées aujourd’hui forment une véritable mosaïque de musiques qui empruntent aussi bien au passé du jazz et à ses sources qu’aux cultures musicales de tous les pays et de toutes les époques.

Le be bop revisité des frères Marsalis et leurs émules : une réappropriation historique combinée aux moyens techniques actuels.

« Je sais que mon statut d’Afro-Américain voudrait que je sois systématiquement pour le rap mais je considère que le rap est un appauvrissement. J’essaie de faire découvrir le jazz aux jeunes, de leur faire connaître leur histoire. Le jazz a toutes les qualités : il rend heureux et parle à tous. Je crois au jazz mais avant tout, je crois aux gens. » Wynton Marsalis

Wynton MARSALIS : J. Mood
Wynton MARSALIS : Citi movement
Roy HARGROVE : The vibe
Roy HARGROVE : Of kindred souls
Antonio HART : For the first time
Marcus ROBERTS : Truth is spoken here
Joshua REDMAN : Moodswing
James CARTER : The Real quiet storm
Courtney PINE The vision’s tale

L’esthétique ECM : « Le plus beau son après le silence »
Fondé par Manfred Eicher, le label munichois symbolise bien l’éclatement et les mélanges opérés par les jazzmen européens.

Keith JARRETT : Köln concert
Jan GARBAREK : Madar
Pat METHENY : American garage
John SURMAN : Private city
Gary BURTON & Chick COREA : Duet
Charlie HADEN, Jan GARBAREK & Egberto GISMONTI : Magico
Nils Petter MOLVAER : Khmer

En France :

Martial SOLAL : Live 59-85
Michel PETRUCCIANI : Michel plays Petrucciani
ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ , François JEANNEAU (dir.) : ONJ 86
Richard GALLIANO : New musette
Henri TEXIER & Azur quintet : Mozaïc man
Aldo ROMANO, Louis SCLAVIS & Henri TEXIER : Carnet de routes, suite africaine

LEXIQUE

After beat (ou off beat ou back beat) : temps faible de la mesure accentué par le jazz (deuxième et quatrième temps pour une mesure à quatre temps)

Be bop ou bop : nom dérivé de l’articulation vocale des chanteurs imitant le phrasé typique de la musique crééeparCharlieParker,DizzyGillespie et les autres dans les années quarante. Il s’agit d’une musique caractérisée par une complexité harmonique accrue et le déplacement fréquent des accents rythmiques des temps forts aux temps faibles (off beats) de la mesure.

Blue note (note bleue) : note de la gamme majeure altérée d’un demi-ton vers le grave (mi bémol, si bémol pour une gamme en do majeur). La blue note est caractéristique du blues.

Blues : A l’origine, c’est un chant populaire interprété par les baladins noirs dans les villes et les campagnes. Depuis, le Blues est devenu une forme précise et fondamentale du langage jazzique. Techniquement, c’est une phrase musicale de douze mesures organisée autour de trois accords (tonique, dominante et sous-dominante). Mais en même temps et surtout, le Blues est une atmosphère précise, un climat de complainte et de mélopée. Aucun grand jazzman n’a ignoré le blues.

Bœuf ( voir Jam session)

Boogie woogie : manière spéciale d’interpréter le blues au piano en mettant particulièrement en valeur son aspect rythmique grâce à un jeu de main gauche répétitif, la main droite brodant des riffs bluesy dans l’aigu.

Boppers : musiciens jouant dans le style bop

Chicago (style) : jazz très proche du style Nouvelle-Orléans (voir ce mot), qui était surtout pratiqué par des musiciens de race blanche (Bix Beiderbecke, Eddie Conlon, Mezz Mezzrow, Pee Wee Russell) à la fin des années vingt.

Chorus : improvisation d’un musicien à partir d’un thème. Cette improvisation n’est pas anarchique : le jazzman reprend un chorus, c’est à dire joue une phrase mélodique d’une longueur égale à celle du thème. Rien n’interdit au musicien de prendre plusieurs chorus à la file : tout est une question d’inspiration et d’entente avec les autres musiciens. Nombreux sont les chorus improvisés qui devinrent par la suite des thèmes.

Combo (de l’anglais combination) : formation réduite de musiciens

Cool (frais) : ce terme désigne le courant musical né à la fin des années 40 et présentant une adaptation plus calme et retenue, parfois plus romantique, du be bop.

Deep south
(Sud profond) : Les états du Sud des Etats-Unis qui se réunirent en Confédération à la veille de la guerre de Sécession. Là où naquit le jazz.

Dixieland (littéralement terres de Dixies, c’est à dire du Deep south, voir ce mot) : style Nouvelle-Orléans, qui se caractérise par l’improvisation collective. Le Dixieland était surtout interprété par des musiciens blancs.

Free jazz (jazz libre) : forme de jazz qui apparut dans les années soixante, et que l’on peut définir comme l’éclatement des conventions jazzistiques classiques à la fois dans le rythme et dans l’harmonie (abandon du swing, du thème, etc.). Albert Ayler, Eric Dolphy et Ornette Coleman sont, entre autres musiciens, les grands promoteurs du free jazz. Le terme revêt également une connotation politique dans la mesure où de nombreux musiciens de free gravitèrent autour du Black Power.
Gospel (voir Negro-spiritual)

Groove : climat inspiré, entraînant, d’un morceau (apparu dans le jargon jazz à la fin des années trente)

Hard bop : évolution du be bop dans les années 50, caractérisé par l’allongement des solos, le rôle important accordé au blues et un style très animé, agressif.

Honky tonk : bouge, cabaret mal famé

Jam session (ou bœuf) : séance d’improvisation informelle.

Jazz fusion ou jazz rock : style de musique qui associe le jazz, le rock et le funk et qui fit son apparition au milieu des années soixante-dix. Le jazz rock se distingue par la qualité du son, des arrangements et par la parfaite maîtrise des instrumentistes (Chick Corea, Herbie Hancock).

Jungle : style de jazz inventé à la fin des années 1920 par Duke Ellington, caractérisé par des rythmes exotiques et touffus.

Mainstream jazz (courant principal) : terme employé surtout en Angleterre et aux Etats-Unis pour désigner un style de jazz fidèle au swing années trente et quarante (Lionel Hampton et Count Basie). Synonyme de Middle jazz en France

Middle jazz : (voir Mainstream jazz)

Modale
(musique) : fondée sur l’emploi d’échelle de sons (modes) différente des gammes majeure ou mineure.

Negro-spiritual : cantique religieux chanté par les Noirs dans les temples américains. A pris aujourd’hui le nom de Gospel.

Nouvelle-Orléans (style) : synonyme du style Dixieland (voir ce mot), c’est à dire le jazz qui prédomina jusqu’aux années trente. S’il existe une différence entre le Nouvelle-Orléans et le Dixieland, elle est infime : le Dixieland serait plutôt une musique jouée par les orchestres blancs, alors que le Nouvelle-Orléans serait la musique des Noirs.

Ragtime : style musical interprété essentiellement au piano, le plus souvent de seize mesures et selon un schéma ABAB. Scott Joplin fut l’un des plus grands virtuoses du ragtime.

Riff : phrase mélodico-rythmique répétée régulièrement pendant un morceau.

Scat : improvisation vocale se servant exclusivement d’onomatopées.

Sideman : musicien accompagnateur.

Standard : thème de jazz emprunté aux chansons populaires américaines. Par extension, un morceau qui est devenu un classique

Stride : jeu pianistique virtuose consistant à jouer de la main gauche une basse sur les temps forts et un accord sur les temps faibles, la main droite découpant la mélodie. Avec le stride « marche à grandes enjambées » apparut une conception ternaire du rythme se substituant au binaire du ragtime.

Swing (balancer) : le mot swing est un terme clé du jazz utilisé dans deux sens différents :
élément fondamental du jazz fondé sur le rythme.
style de jazz dominant des années trente par lequel le jazz conquit ses plus grands succès commerciaux avant l’émergence du jazz fusion. Une des caractéristiques de l’ère Swing fût l’apparition des grands orchestres. (voir aussi Middle jazz)

Tempo : vitesse à laquelle s’exécute un morceau.

Thème : motif mélodique

Washboard (planche à laver) : batterie bricolée à partir d’une planche à laver et sur laquelle on joue avec des dés à coudre au bout des doigts.

West coast (côte ouest) : style cool (voir ce mot) interprété principalement en Californie.

Work song (chant de travail) : complainte chantée par les Noirs du Deep south

Définitions extraites de :

Joachim Ernst BERENDT : Le Grand livre du jazz. – Editions du Rocher
Jean WAGNER : Le Guide du jazz. – Syros
Les 120 mots clés du jazz. Editions Atlas (Les génies du jazz)
Jean-Stéphane BROSSE : Le Jazz. – Milan (Les essentiels)

MEDIATHEQUE D’ARRAS

MARS 2000

Discographie : Béatrice DINGEON et Jean PRINCE
Texte : Béatrice DINGEON