Les partitions ne sont pas soumises au droit de prêt :
– 1) Document disponible sur le site de la Sofia (dans l’encart intitulé « Les livres assujettis au droit de prêt ») : Guide du droit de prêt en bibliothèques
– 2) L’arrêt n° 08-70026 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 janvier 2010 dissipe tous les doutes à l’égard de la nature de la partition musicale.
Je retranscris ici in extenso le texte paru sur le blog LEXCELLIS avocats qui rapporte le texte de l’arrêt et le traduit en langage intelligible (même pour un bibliothécaire :o)
Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, pourvoi n° 08-70026
La loi Lang du 10 août 1981 qui impose un prix unique du livre édité, en l’occurrence celui fixé par l’éditeur, n’est pas applicable aux partitions musicales, comme vient de le confirmer la première chambre civile de la Cour de cassation. On rappellera que la loi impose au détaillant de livres de ne pratiquer qu’un prix conforme à celui fixé par l’éditeur ou au plus inférieur de 5% à celui-ci.
Si la loi Lang ne donne pas de définition du livre, il pouvait être tentant d’en retenir une définition large et ce faisant de multiplier les prix imposés en ce domaine. Le syndicat de la librairie français, demandeur au pourvoi, retenait précisément une conception large de la notion.
Il n’a pas été suivi par la Cour de cassation qui, réaffirmant le principe de liberté des prix, considère que toute exception à celui-ci ne peut être interprétée que de manière stricte. Elle rejette par conséquent le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel qui avait refusé de sanctionner un libraire qui consentait sur la vente des partitions musicales des rabais supérieurs à ceux autorisés par cette loi et faisait de la publicité sur ces rabais hors de son lieu de vente, d’ordonner la cessation de ces pratiques et le paiement de dommages-intérêts.
L’arrêt d’appel était allé plus loin encore dans la démonstration, cherchant la volonté du législateur quand il entendît protéger les éditeurs de livres : pour la cour d’appel, de par les faibles volumes distribués par les éditeurs de partition et la bien moindre concurrence dans le secteur, ce dernier ne pouvait prétendre aux mêmes mesures de protection que les éditeurs de livres à défaut de courir les mêmes risques.
M. Depincé
L’arrêt : Cass. civ. 1ère, 28 janvier 2010, n° 08-70026
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu que reprochant à Mme X…, qui exploite à Tourcoing une librairie spécialisée dans les ouvrages de musiques, de ne pas respecter les dispositions de la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre en consentant sur la vente des partitions musicales des rabais supérieurs à ceux autorisés par cette loi et en faisant de la publicité sur ces rabais hors de son lieu de vente, le syndicat de la Librairie française l’a assignée en cessation de ces pratiques et en paiement de dommages-intérêts ; qu’il fait grief à l’arrêt attaqué (Douai, 7 mai 2008) de l’avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le livre n’est pas seulement la reproduction d’un texte littéraire mais se définit comme la reproduction, par l’impression sur un support papier comportant des pages imprimées et reliées, d’une oeuvre de l’esprit écrite et accessible par la lecture ; qu’à ce titre, les partitions musicales destinées à être lues avant de pouvoir être exécutées par un instrument ou par la voix, rentrent dans la définition du livre au sens de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 ; qu’en jugeant le contraire la cour d’appel a violé les articles 1er et 8 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 ;
2°/ que si la consultation des travaux préparatoires révèle que l’instauration d’un régime dérogatoire au principe de la liberté des prix, a été fondée sur le refus de considérer le livre comme un produit marchand banalisé et sur la volonté d’infléchir les mécanismes du marché pour assurer la prise en compte de sa nature de bien culturel qui ne saurait être soumis aux seules exigences de rentabilité immédiate, le livre étant à cet égard qualifié de support de l’apprentissage, de moyen d’expression et de mode privilégié de diffusion de la culture, cette qualification n’exclut pas les partitions musicales du champ d’application de la loi n° 81-766 du 16 août 1981 ; qu’en jugeant le contraire la cour d’appel a violé les articles 1er et 8 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 ;
3°/ que la circonstance que les vendeurs ayant un rayon de musique imprimée ne subissent, selon les constatations de l’arrêt, pas la concurrence de la grande distribution, ne permet pas d’en déduire que l’inclusion des partitions musicales dans le champ d’application de la loi sur le livre ne présente aucun intérêt du point de vue de la distribution de ce produit culturel pour le consommateur ; qu’en effet, l’objectif de la loi vise à la plus grande diffusion de tous les produits culturels sans exclusion, et cet objectif ne peut être satisfait que par le maintien d’un réseau décentralisé très dense de distribution échappant à toute concurrence sur les prix ; qu’en jugeant le contraire la cour d’appel a violé les articles 1er et 8 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 ;
4°/ que l’incrimination pénale par le décret du n° 85-556 du 29 mai 1985 n’est pas de nature à conférer à la loi elle-même un caractère pénal et partant à restreindre son champ d’application ; qu’en statuant comme elle l’a fait la cour d’appel a violé les articles 1er et 8 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 ;
Mais attendu que la cour d’appel a jugé à bon droit que la loi du 10 août 1981, qui est d’interprétation stricte puisque dérogeant au principe de la liberté des prix, ne s’applique pas aux partitions musicales qui n’y étaient pas visées ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI