Politique documentaire : Réflexions pour l’élaboration d’une charte des collections musicales

  • Par administrateur
  • 24 juillet 2003
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Réflexions pour l’élaboration d’une charte des collections musicales en médiathèque publique

La notion de politique documentaire.

Explicitons d’abord le terme de « politique », il s’agit de l’art d’agir, d’une volonté mise en action en déterminant des priorités. Le terme de « politique » implique une idée de volontarisme qui n’est pas présent dans le terme de « gestion ».

Il s’agit de déterminer un but, des objectifs à atteindre, des problèmes à résoudre par des mesures d’application.

La question d’une politique documentaire n’est pas nouvelle, elle est déjà posée en 1957 par Lionel Mc Colvin dans la revue « Fontes Artis Musicae » dans un article dont le titre expose la problématique « Music in public libraries – why and what ? Why should public libraries provide music ? »

« La musique en bibliothèque publique. Pourquoi et quoi ? Pourquoi les bibliothèques publiques doivent-elles fournir de la musique ? »

Mais cette préoccupation pourtant majeure n’a émergé que récemment dans les bibliothèques publiques françaises, et cela grâce aux publications de Bertrand Calenge [1].

Comment constituer et développer une collection musicale ? Nos pratiques restent encore fondées sur l’empirisme et la formalisation d’une politique documentaire reste à faire.

Bien sûr, nous avons aujourd’hui le sentiment de faire notre métier avec conscience et compétence. La formation que nous avons reçue initialement et l’expérience que nous avons acquise ont affiné nos goûts, ont développé nos connaissances et notre esprit critique.

Seulement savons-nous bien où nous allons ? Quelles sont les finalités de notre travail ?

Prêter des disques ? Transmettre de la joie, du savoir, de la connaissance ? D’abord, il faut placer notre réflexion sur l’essence du métier de bibliothécaire musical.

Suite à une enquête menée par questionnaire(Le compte-rendu de l’enquête sur les politiques documentaires musicales est consultable en ligne sur le site Discothecaires.ouvaton) et lancée sur la liste de diffusion Discothecaires-fr, la question des missions d’une discothèque, ou d’une bibliothèque musicale a été posée ainsi :  » Quelles missions vous êtes-vous fixées en composant ce fonds ? »

Parmi les 34 réponses, 2 axes forts se sont dégagés de manière consensuelle :

D’abord : Eveiller la curiosité, ouvrir l’oreille du public, en lui faisant découvrir des genres méconnus ou minoritaires. (Préoccupation de diffusion, de communication centrée sur les publics)

Ensuite : Garantir l’éclectisme, et l’encyclopédisme des collections (Préoccupation centrée sur l’équilibre et la diversité musicale des collections)

Voilà exprimés, les 2 principes moteurs du métier : le discothécaire est un passeur, un éveilleur qui veille à offrir un panorama musical le plus large possible.

1er principe : garantir l’accès à la musique pour tous
2ème principe : garantir l’existence d’une diversité musicale

Je ne pense pas que l’affirmation d’une diversité musicale ou plus généralement d’une diversité culturelle (concept très en vogue actuellement pour contrer l’impérialisme culturel américain), si elle est un pré requis nécessaire, soit une base suffisante pour fonder une politique documentaire.

Saupoudrer, disperser un budget peut-être synonyme de tout faire et de ne rien faire. Il peut sembler important de rassembler ses énergies financières et humaines pour mieux les employer.

Il reste encore à déterminer quels seront les axes de développement de cette politique.

Les missions

La bibliothèque musicale (ou la discothèque) doit s’intégrer dans le projet global du service public d’information et de culture auquel elle appartient.

Il s’agit d’abord de penser la section musicale comme élément de ce service public d’information et de culture.

A cet égard, il est important de se référer aux manifestes et aux chartes existants [2]

Les collections musicales sont destinées à tous. Elles tendent, dans leur ensemble, à l’encyclopédisme tout en restant variées dans leur niveau de difficulté (la notion de niveau sera explicitée par Arsène Ott).

Je souhaite insister particulièrement sur 5 missions principales qui doivent conduire la politique documentaire d’une section musicale en médiathèque : assurer l’accès des citoyens à l’information, à la documentation, à la formation, à la culture musicale, et au divertissement.

Accéder à l’information musicale

Extrait de l’article 7 de la charte des bibliothèques : « Les collections doivent être régulièrement renouvelées et actualisées ».

L’actualité musicale ne se restreint pas à l’actualité discographique.

Il s’agit pour la bibliothèque musicale d’être un lieu d’ouverture à la vie musicale locale ou nationale par :
a/l’affichage des concerts, conférences, stages, etc.,
b/la mise en consultation des périodiques musicaux,
c/le repérage de sites web dédiés à l’information (concerts : concert and co, operabase, )
Exemple de Dole (ville de 25 000 h) située à proximité de 2 villes universitaires (Dijon et Besançon). Il est important de se faire l’écho de la vie musicale à l’échelle régionale.

Donner accès à l’actualité discographique

Les fameuses nouveautés !

Comment rendre compte de cette actualité dans ce qu’elle a de plus novatrice, de plus stimulante ?
Le choix d’acquisition des nouveautés pose peut-être l’un des problèmes majeurs de la mise en place d’une politique d’acquisition. Comment en évaluer la pertinence ?
Il serait intéressant de savoir comment chacun d’entre nous s’en sort dans son travail de filtrage, de sélection.

On estime que les éditeurs mettent chaque année sur le marché environ 14 000 nouveaux titres [3], soit une moyenne de plus de 1000 nouveautés par mois, ou 40 par jour. Comment survivre sous une telle avalanche ? Comment conserver intacts sur le long terme son enthousiasme et la fraîcheur de sa curiosité ?

Quelle stratégie, quelle tactique pour écrémer, filtrer cette production sur des critères de qualité ?

Quelques pistes :

- En se partageant le travail lorsque l’on a la chance de travailler en équipe : en se répartissant les genres musicaux.

- Par la connaissance acquise des artistes, des labels mais ce travail s’accorde forcément avec un intérêt et une motivation personnels. Attention alors, à ne pas faire de nos centres d’intérêt des marottes (le blues, le rock alternatif français ou la musique baroque du XVIIe siècle !). La passion musicale ne doit pas devenir exclusive.

- En se fiant aux sélections proposées par les magazines, par les disquaires. (attention aux emballements passagers)

Pourquoi ne pas échanger plus souvent nos listes de nouveautés sur la liste « Discothécaires » ? Le référendum des meilleurs disques 2002 est aussi une expérience à renouveller.

Comment maîtriser l’achat des nouveautés, en terme de diversité et d’équilibre des collections :

En veillant à ce que les acquisitions soient équitablement réparties dans chacune des catégories. Donc en effectuant un panachage.

Cela nécessite de déterminer chaque année un plan de développement des collections.

Mettre en place une politique d’acquisition ne saurait se restreindre au suivi de l’actualité discographique. Nous sommes soumis à la pression de nombreux usagers qui réclament des nouveautés. Que cette pression ne nous fasse pas oublier d’autres objectifs aussi importants à atteindre.

Donner l’accès à la documentation musicale

Concernant ce 2ème point, on aurait tord de penser qu’il fait l’unanimité dans la profession des discothécaires et des bibliothécaires.

Une petite histoire : La querelle des « haricots sauteurs »

Il s’agit d’une controverse qui opposa en 1934 André Breton, le chef de file du mouvement surréaliste et l’un des ses adeptes du moment, Roger Caillois (futur membre créateur du collège de sociologie, avec Georges Bataille et Michel Leiris).

Les deux hommes devisent à la terrasse d’un café. Caillois qui s’intéresse aux insectes, montre à Breton une boîte contenant des pois sauteurs du Mexique (petites graines qui remuent mystérieusement). Là les deux hommes vont s’affronter sur la conduite à adopter en face du merveilleux. Pour Caillois, soucieux d’en percer le mystère, il convient de prendre un couteau et d’ouvrir un haricot pour en inspecter l’intérieur. Breton s’y oppose en criant au sacrilège.

Le lendemain, Caillois quittait le groupe surréaliste en expliquant qu’il ne voulait pas rester sous le charme d’un mystère mais qu’il voulait étudier l’insecte de près.

Rapporté à l’art en général, et à la musique en particulier, la métaphore est éclairante.
On est ici en présence de deux postures radicalement opposées :

- Ceux pour qui l’art musical produit une magie qu’il convient de ne pas dévoiler sous peine d’en briser le charme. Pour ces personnes, la musique, comme la poésie, n’a pas besoin d’être comprise pour être appréciée. C’est une affaire de sensibilité, elle parle au cœur ou à l’imagination. La raison et l’intellect n’ont rien à faire ici. On peut si on souhaite adopter le point de vue de Breton, se satisfaire de l’émotion, de la sensation poétique, se faire son propre film à partir de la bande-son musicale. Sans employer de grands mots, c’est une attitude mystique de rapport direct à l’œuvre.

- A l’opposé de cette attitude, il y a ceux qui souhaitent analyser l’œuvre : On est ici dans une démarche scientifique : essayer de comprendre par une recherche, ou une enquête objective et ciconstanciée.

Permettre l’accès à une documentation musicale : dictionnaires, encyclopédies, ouvrages de référence, biographies, c’est rejoindre le camp de Roger Caillois. C’est proposer une grille de lecture des œuvres : perspective historique, analytique, stylistique, organologique… Nous sommes ici dans une démarche consistant à donner du sens, à « mettre du texte autour ».

Notre profession dans son ensemble perçoit-elle l’importance d’entourer les collections de phonogrammes de tels appareils critiques ?

L’opposion entre les créateurs et les critiques a parfois peu de sens : Berlioz a mené de front une vie de compositeur et de critique musical.

Revendiquons outre notre rôle de diffuseur, celui de documentaliste musical (encore plus fort que bibliothécaire musical !),si nous ne voulons pas devenir des vendeurs de petits pois sauteurs.

Dès 1938, un philosophe et musicologue Theodor Adorno (1903-1969) dans son livre Le caractère fétiche dans la musique fait la constatation suivante : « Comme toute manifestation culturelle au sein de la société industrielle, l’ensemble de la vie musicale contemporaine est dominé par la forme de la marchandise ». Adorno soutient le caractère fétiche du disque comme la vénération d’un objet devenu valeur d’échange, qui s’est détaché aussi bien de son producteur que de son consommateur, c’est à dire de l’homme.

Un disque de Britney Spears n’a-t-il pas une valeur d’échange et de reconnaissance comparable à celle d’une paire de chaussures Nike ?

Si les disques ne sont pas à proprement parlé des ouvrages documentaires, ils sont accompagnés d’un livret (concernant la musique classique, par exemple) qui constitue une source documentaire indéniable.

Au cours d’un entretien sur France Culture, Bernard Coutaz, fondateur d’Harmonia Mundi parlait de l’importance qu’il accordait à la rédaction des livrets, et au choix des spécialistes pour les rédiger.

Saluons d’ailleurs d’excellentes réalisations : la collection Passerelles (Harmonia Mundi) , le catalogue Frémeaux & Associés, la collection Gallimard Jeunesse Musique, …

Donner accès à la documentation musicale, c’est aussi considérer les collections de phonogrammes et de musique imprimée comme des documentaires qu’il convient d’indexer. Le futur enjeu de cette démarche, après la refonte du principe de classement des documents musicaux, pourrait être d’avancer enfin l’indexation des documents sonores. Avec comme plate-forme le répertoire (RAMEAU) enrichi de nos propositions.

Permettre la formation à la pratique musicale

Rappelons que la pratique musicale amateur concerne 5 millions de personnes en France.

Comme le confirme l’enquête réalisée à la médiathèque de Grenoble [4] : « Les usagers interrogés sont près de six sur dix à savoir jouer, « ne serait-ce qu’un peu », d’un instrument de musique ».

Depuis plusieurs années, le Conseil supérieur des bibliothèques, en la personne de Dominique Arot, et les responsables de la médiathèque musicale de Paris, Michel Sineux et Gilles Pierret dénoncent dans des termes assez durs le retard pris par les médiathèques publiques dans l’accès à la musique imprimée [5] :
« Dans de nombreux équipements, la discothèque, qui est quasi dépourvue des ouvrages et des partitions qui devraient constituer un environnement qui fasse sens, conduit exclusivement une activité de prêt et sacrifie à l’une des plus funestes modes du jour, la musique d’ambiance et le fonds sonore qui ne sauraient en aucun cas tenir lieu d’activité d’animation ou d’écoute raisonnée. »

Cette critique proche de l’anathème est bien-sûr complétement justifiée.

Comment expliquer ce retard dans le développement des collections de partitions en lecture publique ?

Par le manque d’intérêt des discothécaires ?

Par la pression faible des usagers ? Il y a peu de suggestions d’acquisition de partitions.

Par le manque de compétence ou de qualification ?. Rappelons que la revue Ecouter Voir propose depuis plus de 10 ans des sélections de références (Merci à Noël Lopez)

Le bibliothécaire doit-il forcément connaître le langage Java ou XML pour acheter un livre sur l’informatique ?

Cet état de fait est difficilement compréhensible…

Concernant le développement de musique imprimée en médiathèque ; doit-on rejoindre le modèle allemand, avec des bibliothèques musicales proposant davantage de musique imprimée que de phonogrammes ? [6]

Autrement dit : quel pourcentage doit atteindre les collections de partitions en rapport avec celles des disques compacts ?

Je me garderais bien d’apporter une réponse, mais plutôt par ce tableau une réflexion sur le taux de rotation des supports.

Rappelons que le taux de rotation d’une collection est le rapport entre le volume des prêts et le nombre unitaire de documents de la collection.

Ici par exemple les 150 DVD-vidéos ont été en moyenne empruntés chacun 30 fois sur la durée d’une année.

Type de supportVolume de la collectionTaux de rotation
DVD-VIDEO15030
Cassettes vidéo VHS200015
Disques compacts850011
Partitions et méthodes7004,5

Donner l’accès à la culture

C’est surtout ici que le rôle prescripteur de la bibliothèque musicale/discothèque doit jouer à plein. Il s’agit d’offrir des repères d’une culture musicale partagée par tous.

L’objectif : Sélectionner pour les proposer au public les œuvres les plus importantes de l’histoire de la musique (bien entendue il ne s’agit pas seulement de la musique classique).

On est ici dans un débat de politique culturelle. Il est certain que les partisans de la pensée de Bourdieu [7] objecteront que cet acte de prescription entretient le schéma de la distinction sociale [8]. N’étant pas de ceux-ci, je poursuis donc…

Interroger sur le sujet Pierre Boulez , compositeur, chef d’orchestre et grand pédagogue affirme régulièrement la nécessité d’établir une hiérarchie en musique : entre les grands et les petits maîtres. Entre ceux qui ont innovés, qui ont influés sur le cours de l’histoire de la musique, et ceux qui ont une importance plus contextuelle. Beethoven ne saurait être placé sur le même plan qu’Hummel, pourtant très en vogue au début du XIXe siècle.

Umberto Eco recommande lui aussi [9] un nécessaire « apprentissage de la sélection… Une discipline tout à fait nouvelle, -dit-il -à inventer. En face d’une information totale, (rendue accessible par Internet et le World Wide Web), chacun fait son choix. Avant, on savait qu’il existait des choix privilégiés, disons le choix catholique, le choix marxiste, le choix réactionnaire, etc. On pouvait prévoir de quelle manière l’information serait sélectionnée selon que le texte de référence était la Bible, L’Encyclopédie de Diderot, Le Capital. À présent, chacun fait son choix de manière tout à fait inédite et imprévisible. Cinq milliards d’habitants sur la planète, cinq milliards de filtrages idéologiques. Le résultat risque d’être une société composée d’entités individuelles juxtaposées (ce qui me semble un progrès) sans médiation de groupe (ce qui me semble un danger). Je ne sais pas si une société comme celle-là aurait des chances de fonctionner. Il me semble qu’un peu de grégarisme est nécessaire… »

Anecdote racontée par Alain Poirier :

Un de ses étudiants, un jeune hautboïste talentueux, s’était pris de passion pour la musique de chambre d’Albéric Magnard dont la redécouverte tardives des œuvres avait été un événement important de l’actualité discographique. Au cours de la conversation, l’étudiant exprime la passion exclusive qu ‘il porte à la musique française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Le professeur s’apercevra ensuite que l’étudiant ne connaissait pas le « Prélude à l’après-midi d’un faune » de Claude Debussy ! De bonne foi, ce jeune musicien, fondait sa propre culture au hasard des découvertes de l’actualité musicale, parallèlement à une culture filtrée et traditionnelle. [10]

Rien de bien dramatique ici, et on ne se fait pas vraiment de soucis pour la culture musicale de ce jeune homme, étudiant au Conservatoire National supérieur de Paris.

Cependant cette anecdote est révélatrice : le professeur est là pour jouer son rôle de référence. Il a réorienté l’étudiant vers une œuvre jugée plus importante.

Je ne mène pas une charge systématique contre « le tout culturel », seulement la négation de la hiérarchie des valeurs est une attitude démagogique qui brouille les repères, supprime les perspectives et empêche d’avoir une pensée construite.

Assumons là aussi davantage notre rôle d’acteur de l’éducation musicale : par les collections que nous proposons au public, par les animations que nous mettons en place, par le conseil que nous apportons, il s’agit de former le goût et l’esprit critique du public.

Sinon, nous nous condamnons comme Sisyphe à subir l’avalanche quotidienne des nouveautés.

Albert Camus déroule, dans Le Mythe de Sisyphe , la chaîne de nos gestes quotidiens, « lever, tramway, quatre heures de bureau ou d’usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme… »

« Lecture hebdomadaire de Télérama, des Inrockuptibles, lecture mensuelle du Monde de la musique, de Jazzman, relevé des suggestions, envoi des commandes, catalogage, indexation toute les semaines, tous les mois, sur le même rythme… ». Le circuit du disque peut devenir un circuit fermé… Ne faisons pas de ce métier un enfer, ou en tout cas une corvée !

Donner l’accès à « la connaissance des classiques », c’est d’abord se donner les bases par la formation d’une culture musicale pour pouvoir la communiquer au public.
En pratique, cela consiste aussi à constituer un fonds de base dans chaque genre qui soit cohérent, représentatif. Là encore il s’agit d’élaborer un plan de développement des collections.

Pour exemple, voici le Plan de développement des collections pour la Bibliothèque » du Valais (Suisse) pour la discothèque musicale [11] :

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Contenu

- Couverture de l’ensemble des musiques, des genres, des techniques

- Sélection en fonction des principes suivants

a/Importance de l’auteur et/ou de l’œuvre
b/Représentativité de l’auteur et/ou de l’œuvre dans le contexte de la production musicale d’une période historique, d’un genre musical, d’un style, d’une école
c/Intérêt confirmé ou supposé du public pour l’œuvre
d/Dans le contexte d’une collection couvrant les grandes périodes historiques des diverses musiques, priorité donnée aux productions actuelles

- Typologie des genres musicaux

Musique classique. Représentation de toutes les périodes et de tous les genres musicaux (musique orchestrale, musique symphonique, musique de chambre, musique vocale profane et religieuse, opéra). Pour les oeuvres du passé notamment, on opère un large choix d’oeuvres des auteurs importants, et non un petit choix d’oeuvres d’auteurs secondaires On privilégie les interprétations récentes, d’excellente qualité sonore

Rock. Couverture de la musique rock et de ses dérivés : le rap, la techno, la country. Sélection des oeuvres significatives de l’histoire du rock et de ses principaux protagonistes. Accent mis sur les productions actuelles.

Chanson francophone. Sélection des oeuvres représentatives de toutes les époques de la chanson francophone : oeuvres complètes des grands noms de la chanson française

Jazz. Sélection des oeuvres significatives de l’histoire du jazz et de ses principaux protagonistes. Accent mis sur les productions actuelles

Musiques du monde. Large choix des productions musicales des divers peuples et des divers pays, en fonction de l’intérêt et de l’actualité de ces musiques (musique cubaine, salsa, musique irlandaise…)

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Assurer le droit au loisir et au divertissement

Ayant beaucoup insisté sur les missions d’information, de documentation, de formation et d’accès à la culture, on pourrait s’attendre à ce que je minore l’importance de cette mission.

Comme le rappelle Dominique Lahary [12], le droit au loisir et au divertissement n’est pas prévu dans « la charte des bibliothèques » du CSB, 1991 (Ces mots ne s’y trouvent pas)

Rappelons l’article 1 de la charte des bibliothèques :
« Pour exercer les droits à la formation permanente, à l’information et à la culture reconnus par la Constitution1, tout citoyen doit pouvoir, tout au long de sa vie, accéder librement aux livres et aux autres sources documentaires. »

Le droit au loisir et au divertissement n’est pas mentionné non plus dans le manifeste de l’UNESCO (1994) qui proclame que la bibliothèque publique « met à disposition du public des connaissances et des informations de toutes sortes ».

Seules les recommandations de l’IFLA incluent le divertissement et le loisir dans les missions de la bibliothèque publique : « L’éducation, l’information, et le développement personnel qui comprend le divertissement et le loisir (recreation and leisure) »

Quelques interrogations cependant concernant le droit au loisir et au divertissement :

- Jusqu’où aller pour satisfaire les attentes et les demandes du public ?

- Proposer des programmes de Karaoké (N’est-ce pas une forme de pratique musicale ?)

- Proposer des compilations de dance (La classe 5 n’accueille-t-elle pas des musiques fonctionnelles ni plus ni moins légitimes ?)

- Proposer un rayon « teen pop » (Pourquoi Johnny et pas Lorie ?)

Chaque établissement peut définir et formaliser par écrit en fonction de ses décisions, des critères de sélection permettant d’apporter une réponse claire et argumentée face aux questons des usagers.

Conclusion

L’usager, quel que soit son age, son sexe, sa condition sociale, son niveau d’études doit avoir le droit de s’informer, de se documenter, de se former, de se cultiver et de se divertir. Pour satisfaire ses droits, il est impératif que nous, bibliothécaires musicaux et discothécaires prenions ses demandes et ses suggestions en considération. Nous sommes et nous devons rester dans cette relation tendue et dialectique entre la demande (les attentes du public) et l’offre que nous proposons (notre vision professionnelle de la bibliothèque).


[1] BERTRAND CALENGE, Les politiques d’acquisition : constituer une collection dans une bibliothèque, Cercle de la librairie, 1994
BERTRAND CALENGE, Conduire une politique documentaire, Cercle de la Librairie, 1999

[2] La charte des bibliothèques adoptée par le Conseil supérieur des bibliothèques le 7 novembre 1991 : http://www.enssib.fr/autres-sites/csb/csb-char.html
Le manifeste de l’UNESCO sur les bibliothèques publiques : http://www.unesco.org/webworld/libraries/manifestos/libraman_fr.html

[3] Voir l’article paru dans le n° 125 d’écouter voir en mai 2002 « Dépôt légal : documents sonores au département de l’Audiovisuel de la BNF : le chiffres 2001 » par Pierre Pichon et Bertrand Bonnieux.

[4] « La médiathèque et la musique » par François Berthier, BBF 2002 – Paris, t. 47, n°2, p. 74-80, Dossier : Musiques

[5] CONSEIL SUPERIEUR DES BIBLOTHEQUES
Rapport 1995 : chapitre 7 : La pauvreté des bibliothèques musicales françaises, rapport, rapport pour l’année 1995
http://www.enssib.fr/autres-sites/csb/rapport95/csb-rapp95-accueil.html
Rapport 2000-2001 : chapitre 8 : bibliothèques musicales et discothèques : http://www.enssib.fr/autres-sites/csb/csb-interventions/csb-rapportactivite2000-01.html#Bibliothèques musicales

[6] MARCEL MARTY, Les bibliothèques musicales publiques : le modèle allemand, Enssib, 1999

[7] PIERRE BOURDIEU, La Distinction : critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, 1979

[8] Odile Riondet : « L’auteur, le livre et le lecteur dans les travaux de Pierre Bourdieu » in BBF 2003 – Paris, t. 48, n° 2, p. 82-89

[9] Umberto Eco, « À toutes fins utiles », Jean-Claude Carrière, Jean Delumeau, Stephen Jay Gould et Umberto Eco, Entretiens sur la fin des temps, Paris, Fayard, 1998, p. 260-61

[10] « Éléments d’une culture musicale d’aujourd’hui » d’Alain Poirier, in BBF 2002 – Paris, t. 47, n°2, p. 42-44, Dossier : Musiques. Docteur en musicologie, Alain Poirier est, depuis septembre 2000, le directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

[11] Consultable en ligne à l’adresse : http://www.mediatheque.ch/develop.doc

[12] « Pour une bibliothèque polyvalente : à propos des best-sellers en bibliothèque publique » par Dominique Lahary in Bulletin d’information de l’ABF, n° 189 2000